À chaque fois, le cérémonial est le même. Le cercueil est installé dans une vaste salle aux allures d'auditoire. Le lieu pour ce dernier adieu se veut neutre, pas de signes religieux... Rien. De la sobriété. Le maître de cérémonie vérifie si tout est en place, si le micro fonctionne. Jacques Stoquart, un des animateurs pastoraux est plongé dans ses notes. Un dernier coup d'œil sur les textes qu'il va proposer quand les portes s'ouvrent. Famille, amis... s'installent. Depuis la crise du Coronavirus, le nombre de personnes est là aussi restreint. Au plus fort de la pandémie, l'équipe n'a plus pu être présente et ce, durant trois longs mois. Cette fois, ils sont aux côtés des familles. Les crémations se suivent. Et il faut faire face à la douleur.
La pastorale du crématorium est en place depuis l'ouverture du crématorium. C'est Mgr Vancottem, alors évêque du diocèse, qui a souhaité qu'une équipe de chrétiens soit présente au crématorium. Et réponde ainsi à la demande des familles qui désiraient une intervention chrétienne avant l'incinération. La première prestation date du 19 novembre 2012. Catherine Kervyn préfère, elle, parler de bénédiction. Jusqu'à ce jour, l'équipe est intervenue à 1170 reprises.
Les demandes émanent de familles qui, pour la plupart, ne sont pas passées par l'église. Des familles qui, en demandant ce moment de recueillement répondent aux désirs du défunt. Il y a encore ceux qui ne peuvent imaginer un départ vers la crémation sans... rien.

Un service
Pas question pour les membres de la pastorale de s'épandre longuement. Ce n'est ni le lieu, ni leur rôle. Juste quelques petites minutes - une quinzaine maximum - pour faire entendre la Parole de Dieu, faire une prière... avant le départ.
Marie-Adèle Halloy se souvient, avec émotion, de son stress la première fois qu'elle a accompagné une famille. Sa disponibilité est, aujourd'hui, quasi sans limite. Quand un des membres de l'équipe ne peut se libérer, elle est là. « Je vis cela comme un service que je rends. Chaque fois qu'un défunt quitte la salle de cérémonie, j'ai les larmes aux yeux. Le soir, chez moi, dans ma prière, je le confie au Seigneur. »

Parler de l'espérance chrétienne
Chaque animateur a son jour au crématorium. C'est souvent la veille qu'il est prévenu de la demande. Il prend alors contact avec les proches du défunt. Une brève discussion pour comprendre ce que sa vie a été. Demander si la famille a des souhaits particuliers en matière d'évangile, de prière... Catherine Kervyn : ''Le plus souvent les gens nous disent : nous vous faisons confiance. »
Pas simple de se trouver devant une assemblée composée de croyants et de non croyants, de chrétiens pratiquants et de chrétiens non pratiquants, d'indifférents, d'agnostiques, d'athées et parfois aussi de personnes hostiles à l'Église et à la religion. Chacun a sa manière de faire. Une constante, cependant. Jacques Stoquart : « Nous devons rappeler ou apprendre ce qu'est l'Espérance chrétienne dans la vie chrétienne et dans ce qui la fonde. » Catherine Kervyn et Adèle-Marie Halloy aiment, elles, lire des textes porteurs de sens. Une intervention qui se termine par une bénédiction. « Je parle comme témoin de la foi » ajoute Catherine Kervyn. Et c'est toujours avec beaucoup de tact qu'elle invite les uns et les autres à s'unir à la prière. « Le plus difficile, c'est de voir la solitude des gens. Il peut aussi y avoir des conflits familiaux, on ressent les tensions. Dans ce cas, la prière de pardon est particulièrement importante ».

Et demain ?
Plusieurs années se sont écoulées depuis les débuts de cette pastorale. Tous sont toujours aussi investis : Catherine Kervyn et Jacques Stoquart, les piliers de départ et « leur » équipe avec Jacques Massart, Adèle-Marie Halloy et Monique Braconnier. Lorsqu'en 2012, Catherine Kervyn alors assistante paroissiale a répondu à l'invitation de Mgr Warin, évêque auxiliaire et responsable des AP elle n'imaginait pas ce qu'il allait lui demander. La surprise a été la même chez Jacques Stoquart.
Catherine Kervyn : « Je n'étais jamais entrée dans un crématorium. À Ciney, une journée portes ouvertes a été organisée avant l'ouverture : j'y suis venue et j'ai découvert un endroit très paisible. » Elle se souvient des réactions quand elle abordait sa nouvelle mission : des craintes, des peurs.
Une équipe d'une grande disponibilité, le crématorium fonctionnant 6 jours sur 7. Une équipe qui prend aussi de l'âge et qui s'inquiète pour les années à venir. Tous n'ont qu'une envie que la relève arrive et que perdure ce temps de prière si riche. Jacques Stoquart : « Notre évêque nous a donné de pouvoir semer la Bonne Nouvelle et l'Espérance chrétienne à la volée, dans des publics disparates. En huit ans, nous avons ainsi pu adresser un message chrétien à plus de 25.000 personnes. Dans ces « terrains » il y a comme toujours des parties caillouteuses, des ronciers, des terres stériles et des terreaux fertiles. Nous les ensemençons tous de notre mieux, mais c'est le Seigneur Lui-même qui fera germer les grains et leur fera donner leur fruit selon sa Providence. »

Devant l'augmentation constante des crémations, un second crématorium sera prochainement en fonction dans le diocèse. Il est situé à Longlier, près de Neufchâteau. Une équipe de chrétiens se met en place pour accompagner, comme à Ciney, les familles et les défunts. Intéressé? Prendre contact avec l'abbé Roger Ahoua, doyen de Neufchâteau, au 0492 60 56 69.
Christine Bolinne