En feuilletant l'album photos, Yannick Dupagne esquisse un sourire. Il retrouve, sur papier glacé, ses amis de Mokamo, une région du Congo située à 450 km de Kinshasa, à 700 m d'altitude. L'accès est difficile surtout en période de pluies. Une des raisons pour lesquelles, ces habitants vivent dans la plus grande pauvreté. Depuis quelques années, ''Projet Mokamo'' se mobilise, au départ de la Belgique, pour les aider à s'en sortir. Yannick Dupagne, professeur de math avant de devenir conseiller pédagogique principal du diocèse de Namur rentre du Congo. Avec son épouse, il a, à la demande de ''Projet Mokamo'' dressé un état des lieux.
Yannick et Christiane Dupagne sont des amoureux de l'Afrique. Tout juste diplômés de l'enseignement, ils sont partis au Congo - à ce moment là on parlait encore du Zaïre - et ont exercé leur métier, dans un collège jésuite, dans la brousse. Des souvenirs, des amitiés qui ne disparaîtront jamais. De retour en Belgique, Yannick Dupagne sera pendant huit ans professeur de math à l'institut Saint-Aubain à Namur avant d'avoir l'opportunité de retourner en Afrique. De 1988 à 1992, il sera directeur d'une école: le premier directeur laïc et le dernier blanc. Il est là pour passer le témoin en partageant ses connaissances.
La famille s'est agrandie entretemps et c'est dans une école du Congo que les enfants du couple sont scolarisés. Ils suivront les cours dans des classes de 60 - en étant bien sûr les seuls blancs - et ce, sans la moindre difficulté. Une expérience formidable. A l'issue de cette nouvelle parenthèse africaine, Yannick Dupagne et sa famille rentrent à Namur. Lui travaille à l'enseignement diocésain, il est chargé de l'accompagnement des directeurs d'écoles, de les aider dans leur quotidien.
Surtout pas d'assistanat
Aujourd'hui à la retraite, Yannick Dupagne se voyait bien retourner en Afrique et vivre au plus près des gens pour les aider. Une mission pas simple: ils ont vécu durant deux mois sans eau ni électricité.
Ce n'est pas de l'assistanat qu'il veut mettre en place. Il partage plutôt les enseignements de Lao Tseu et de son célèbre: ''Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour. Si tu lui apprends à pêcher, il mangera toujours.'' ''Projet Mokamo'' Mokamo pour lequel le couple est parti en mission se situe lui aussi dans la même lignée. Ce groupe est né de la volonté de plusieurs personnes appartenant principalement -du moins au départ- au monde médical d'entreprendre une action de solidarité internationale dans cette région du Congo.
Des médecins et des infirmier(e)s sont déjà allés sur place et y retourneront encore pour former le personnel de l'hôpital. Un hôpital où les soeurs de la charité de Namur étaient présentes. Aujourd'hui, ce sont toujours les soeurs de la charité mais congolaises qui sont en place.
La déglingue
L'hôpital était là pour soigner le personnel travaillant dans l'importante usine d'huile de palme située dans ce village. Aujourd'hui, l'usine est en piteux état. Un seul des quatre camions peut encore rouler, les autres sont en panne. Seule possibilité pour transporter l'huile vers d'autres lieux, le bac mais lui aussi à l'arrêt pour cause de panne... La situation n'est guère plus brillante à l'hôpital qui fonctionne quasi en permanence sans eau ni électricité. Un groupe électrogène est mis en route pour permettre la stérilisation des instruments en vue d'une opération. Le reste du temps, il est à l'arrêt. Il est alimenté par du diesel qui coûte beaucoup trop cher. Un paradoxe pour un pays qui a parmi ses ressources principales le pétrole.
Ce sont les religieuses qui font tourner tant bien que mal l'hôpital. Leur volonté de s'en sortir, d'être créative a séduit les membres de ''Projet Mokamo''.
''Qu'est-ce qui va bien?''
Durant leur mission: le couple s'est posé toutes les questions en vue de réorienter l'aide et arriver à une autonomie de l'hôpital. Le chemin est long certes mais vaut la peine. Les deux Namurois ont rencontré des dizaines de personnes, assisté à autant de réunions, été les témoins privilégiés des fonctionnements et des dysfonctionnements.
''Quand je rencontrais les personnes, je commençais par leur demander ce qui allait bien. Ces gens ne sont pas résignés. Ce sont des hommes et des femmes debout avec qui nous avons parlé.
Les soeurs ne sont pas les seules à vouloir s'en sortir: l'instituteur travaille depuis 5 ans sans être payé! Sa priorité: former les enfants, leur donner un avenir.
Des idées
Pour aider la population, les religieuses ne manquent pas d'idées. Elles vont aménager, dans l'hôpital, des chambres privées qui seront payantes. L'argent servira à aider ceux qui ne peuvent financer leurs soins. Un restaurant devrait ouvrir à proximité pour là encore ramener des fonds. Yannick Dupagne:
''Le développement de la région c'est là-bas qu'il se réfléchit pas ici en Belgique.'' Christiane Dupagne a elle participé aux consultations à la maternité, supervisé les équipes de nettoyage pour les aider à améliorer l'hygiène. Il n'est pas rare de retrouver une vache se promenant dans les couloirs de cette clinique...
La volonté est encore de mettre en place une mutuelle. Pour le moment, l'idée passe difficilement. Ces gens très pauvres ont du mal à imaginer payer 6 euros par an quand ils sont en bonne forme pour des soins qu'ils recevront plus tard.
Yannick et Christiane Dupagne ont déjà eu l'occasion de debriefer en comité restreint de ''Projet Mokamo''. Tout prochainement, ils expliqueront leur mission, leur ressenti, les perspectives à une assemblée bien plus large. Le but étant d'aider financièrement cette région du Congo. Et de tordre le cou à une idée trop souvent répandue: celle de l'incompétence d'un peuple.
''La personne, sur place, est la seule à pouvoir résoudre son problème. Notre but est de la mettre en capacité de pouvoir y arriver.''
Christine Bolinne
Infos:
www.projetmokamo.be