Avant l'Ascension, avant de se soustraire aux regards des apôtres, Jésus avait recommandé de ne pas quitter Jérusalem, mais d'y attendre la promesse du Père: ''Vous allez recevoir une puissance, celle du Saint-Esprit qui viendra sur vous; vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu'aux extrémités de la terre.'' (cf. Ac1,8).
Quittant le Mont des Oliviers, lieu où Jésus a pris congé d'eux, les apôtres ont gagné le Cénacle, sis à Jérusalem sur l'autre versant de la vallée du Cédron, et là ils ont vécu confinés, assidus à la prière avec quelques femmes dont Marie la mère de Jésus.
A l'instar des apôtres, nous venons de vivre un temps de confinement et une neuvaine au Saint-Esprit avec Marie de l'Ascension à la Pentecôte.
Le moment est venu maintenant de sortir. Sous la poussée de l'Esprit Saint, allons au dehors vers nos frères et développons l'anticorps du monde fraternel. Notre bon pape François désire une Eglise en sortie. ''Parfois - dit-il, dans son Exhortation apostolique ''Evangelii Gaudium'' (La Joie de l'Evangile'') - nous perdons l'enthousiasme pour la mission en oubliant que l'Evangile répond aux nécessités les plus profondes des personnes'' (265). Et un peu plus loin, il s'exclame: ''l'Evangile, le plus beau message qui existe en ce monde'' (277).
Nous sommes dépositaires pour le monde d'un trésor.
Dans un monde où souvent on n'a rien pour rien, où on ne fait guère de cadeaux, la Bonne Nouvelle proclamée par Jésus dit: Avec Dieu, mon Père, il n'en va pas ainsi. Avec lui, ce n'est pas donnant-donnant. Il n'aime pas en échange, en contre-partie, mais bien gratuitement, gracieusement. Son amour est prévenant; son amour fait les premiers pas. ''Espéré, désiré, aimé, le premier de nos enfants est né'', écrivait le cœur en fête un jeune couple. En portant cela à l'infini, on obtient l'amour de Dieu. Merci aux parents de qui l'amour inconditionnel est un reflet de la tendresse du Père!
Dans un monde rempli de voix qui crient: ''Tu as tel et tel défaut; tu es laide; tu n'es pas intelligent; tu es insignifiant; tu es trop petit(e); tu n'es pas qualifié; tu ne conviens pas'' ou encore: ''je n'ai pas de place pour toi'', la voix du Père comme à Jésus à son baptême nous dit: ''Tu es mon fils bien aimé; tu es ma fille bien-aimée''. Merci au personnel soignant de nos hôpitaux et de nos maisons de repos pour l'affection prodiguée aux malades douloureusement privés d'un contact avec les leurs!
Dans un monde où il arrive qu'on se bouscule au portillon, qu'on joue des coudes, dans un monde où parfois impitoyablement on cherche la première place, la Bonne Nouvelle de Jésus dit: ''Il ne doit pas en être ainsi parmi vous. Au contraire, si quelqu'un veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur, et si quelqu'un veut être le premier parmi vous, qu'il soit votre esclave'' (cf. Mt20,26-27). Merci à ceux qui s'oublient eux-mêmes et n'ont en vue que le bien commun! Merci aux hommes d'Etat! Merci aux femmes d'Etat.
Dans un monde où tant d'hommes et de femmes sont piétinés, dans un monde à maints égards franchement injuste, dans une Europe qui doit se garder de devenir une forteresse face aux migrants qui campent à nos portes, la Parole de Dieu interroge ainsi: ''Qu'as-tu fait de ton frère?'' (cf. Gn 4,10). Elle nous presse d'oser en toute liberté la différence. Merci aux artisans de justice! Merci aux ONG!
Dans un monde où la faute abonde et où nous-mêmes cherchons parfois lourdement et peinons à sortir des ornières où notre péché nous enlise, la Bonne Nouvelle de Jésus dit: ''Si grande soit la distance de toi à Dieu, elle est toujours nulle de lui à toi. Ton ingratitude ne peut venir à bout de sa fidélité, ta capacité à l'oublier ne peut user son attente et ton péché ne peut décourager sa miséricorde.'' Jamais! Merci aux miséricordieux, à ceux qui n'enferment pas l'autre dans son passé: le fautif n'est pas sa faute et le pécheur n'est pas son péché!
Dans un monde meurtri par la pandémie, qui rien que chez nous a causé la mort de plus de 9000 personnes, la Bonne Nouvelle de Jésus dit: ''Je suis avec vous tous les jours jusqu'à la fin des temps'' (cf.Mt 28,20). Et aussi: depuis le premier matin de Pâques, même le couchant d'une vie est la promesse d'un jour nouveau. Merci aux prêtres, aux diacres, aux acteurs pastoraux, aux Petites Sœurs des Pauvres qui nous accompagnent jusqu'au bout et qui nous ouvrent à l'espérance!
Accueillons l'Esprit Saint qui - nous l'avons entendu dans l'évangile -, tel des fleuves d'eau vive, coule, coule du cœur de Jésus (cf. Jn 7, 38-39).
L'Esprit est feu. Le jour de la première Pentecôte, apparurent aux apôtres réunis ''comme des langues de feu qui se partageaient et il s'en posa sur chacun d'eux'' (cf. Ac 2,3). L'accueil de l'Esprit embrase, rend ardents, donne le feu sacré. A la suite de nos devanciers dans la foi, des Douze sortis du Cénacle le jour de la première Pentecôte et de cette foule immense d'hommes et de femmes qui depuis deux mille ans ont choisi de proclamer les merveilles de Dieu, puissions-nous nous laisser à notre tour brûler du feu de l'Esprit!
L'Esprit est souffle. Dans le passage du livre d'Ezéchiel que nous avons accueilli, ainsi parle le Seigneur Dieu: ''Viens des quatre vents, esprit! Souffle sur ces morts, et qu'ils vivent!'' (cf.37,9). Le récit de la venue du Saint-Esprit quand arriva le jour de la Pentecôte dit semblablement: ''survint du ciel un bruit comme celui d'un violent coup de vent'' (cf. Ac2,2). Porteurs de la Bonne Nouvelle de Jésus dans l' aujourd'hui, pour nous-mêmes nous ne pouvons rien ou si peu. Mais avec l'Esprit de Dieu tout est possible. Si nous tablons sur nos propres forces, nous risquons d'être très vite à bout de souffle. Mais si nous accueillons le souffle formidable de Dieu, ensemble nous déplacerons les montagnes!

Vigile de Pentecôte
Cathédrale Saint-Aubain,
30 mai 2020.