La Place du Chapitre n’est pas la place principale d’Andenne, mais elle en est la plus belle. Avec sa collégiale entourée d’un ensemble de maisons, qui ont abrité, au fil des siècles, quelque trois cents chanoinesses; avec sa fontaine et son ancienne porte; avec ses vieux pavés qui la recouvrent d’où s’échappe encore, quand on ferme les yeux, le son des charrois et des pas de chevaux, la Place du Chapitre est évocatrice d’un passé fastueux, lorsqu’elle accueillit, au VIIe siècle, la trisaïeule de Charlemagne, Begge, fondatrice d’un monastère mérovingien comportant sept sanctuaires, devenu Chapitre Noble, Impérial et Royal de chanoinesses, et qui perdurera jusqu’en 1797.

Ces dames andennaises
Begge a vécu dans le bassin mosan et est décédée vers 694. Pourquoi s’en souvient-on encore aujourd’hui? Grâce à son incroyable audace! Après l’assassinat de son mari, Begge, issue de l’aristocratie, fonde un monastère en remerciement à Dieu pour avoir donné la victoire à son fils, Pépin de Herstal. Si le monastère est féminin, les hommes n’en sont cependant pas exclus. Les femmes ne pouvant assurer le culte, elles acceptent une petite communauté masculine qui, de plus, les protègera du monde extérieur. Mais à Andenne, ce sont les femmes qui décident, et ce que femme veut… Petit à petit, le chapitre de départ se sécularise (IXe – XIIe s.). Les moniales prennent certaines libertés avec les vœux monastiques: elles conservent leurs biens, vivent progressivement séparées les unes des autres dans des maisons particulières pour ne se retrouver en communauté qu’aux offices et au réfectoire, et doivent être de grande noblesse pour devenir chanoinesses. Finalement, le chapitre devient une pépinière de jeunes filles à marier! Ce sont souvent les cadettes de familles nobles qui sont placées très jeunes, 4 ou 5 ans, dans le chapitre pour devenir chanoinesses. Elles y reçoivent l’éducation qui les prépare à un beau mariage. Celles qui restent au chapitre occupent des fonctions politiques, économiques, sociales et commerciales de plus en plus importantes.

Témoin du pouvoir des femmes
En 1762, les sept églises, dont l’ensemble fermé constituait les encloîtres, sont en très mauvais état. Le chapitre obtient alors l’autorisation impériale de construire un seul édifice assez vaste pour servir à la fois à la population andennaise et au chapitre de trente chanoinesses et de dix chanoines. L’architecte Laurent-Benoît Dewez est en charge du projet. La collégiale Sainte-Begge de style néoclassique sera son chef-d’œuvre religieux. La première pierre est posée le 23 juillet 1764; l’église est ouverte au culte en 1773 et dédiée par les chanoinesses à Dieu et à Sainte Begge.
L’intérieur est un exemple remarquable de style épuré où la lumière s’infiltre pour faire éclater la blancheur de l’enduit du vaste chœur conçu pour accueillir l’autel et les trente stalles des chanoinesses. C’est simple, c’est beau! Du classique, intelligent et sensible.
Dans les annexes de la collégiale se trouve également son Trésor. La châsse de Sainte Begge en est la pièce maîtresse, mais bien d’autres orfèvreries, vêtements liturgiques, tableaux et dalles funéraires, complètent le Trésor de cette collégiale, digne héritière d’un passé où les femmes ont su faire entendre leur voix et qui ont donné à Andenne ses lettres de noblesse.
Sylviane Bigaré

Le 1er dimanche du mois, de mai à septembre, à 14h30, visite thématique de la collégiale Sainte-Begge d’Andenne, assurée par Jean Sacré, son conservateur.