L'abbé Bruno Robberechts n'avait jusque-là jamais posé le pied en Afrique. Dans sa tête se bousculaient les quelques clichés habituels. Quelques craintes aussi comme la peur des moustiques! ''On m'avait dit de faire attention aux moustiques. Une fois sur place, je n'en ai pas vu ni entendu un seul!''.
Dès l'atterrissage de l'avion à Cotonou, le curé du secteur pastoral de Fernelmont ne savait plus où poser le regard. Les couleurs -comme cette terre ocre- l'ont séduit tout comme les odeurs. ''Les routes, en Afrique c'est épique. Il y a des bouts de tarmac puis plus rien. Les voitures sont obligées de slalomer et paradoxalement, il y a peu d'accidents'' explique l'abbé. Une première image vite chassée par une autre: celle d'un peuple chaleureux. Des hommes et des femmes, jeunes et moins jeunes massés le long des routes pour vendre tout et quasi n'importe quoi. Le but étant de récolter, au passage, un peu d'argent et tant pis si l'acheteur potentiel est rare et qu'il faut patienter de très longues heures. On peut ainsi y acheter le carburant. Cette essence vient du Nigeria où elle a été raffinée souvent très artisanalement. Elle permettra aux milliers de mobylettes qui sillonnent le Bénin de poursuivre leur route!
L'abbé Jules Kede, prêtre dans le doyenné de Leuze, était pour quelques jours de retour au pays. Il lui a servi de guide. Les deux hommes se connaissent depuis de nombreuses années. C'est l'abbé Jules Kede, ancien vicaire de Fernelmont, qui avait d'ailleurs lancé l'idée d'un voyage au Bénin. L'essentiel de ce voyage étant consacré à animer une session de cours de philosophie destinés aux séminaristes du Séminaire Saint-Paul de Djimè. Un séminaire qui, pour la section philosophie, regroupe tous les candidats à la prêtrise du pays. Ils sont 152 à vivre au séminaire dont 80 inscrits en première année. Des jeunes qui passent de longues périodes au séminaire sans retrouver la famille.

Respect, déférence
''J'ai vécu cet enseignement comme un temps de retraite'' raconte l'abbé Robberechts. Le prêtre qui a l'habitude de côtoyer des étudiants a pourtant été surpris par l'attitude des séminaristes béninois. Ils font preuve d'une grande déférence à l'égard de l'enseignant. ''Avant de poser une question, l'étudiant se lève. Il est aussi très respectueux quand il s'adresse au professeur. J'ai donné 20 heures de cours sur le thème de la foi et de la raison. Je n'avais jamais donné cette matière auparavant. J'avais bien sûr préparé mes cours et, chaque soir, j'adaptais les leçons suivantes en fonction des connaissances des étudiants.''
Des étudiants qui ont aussi posé des questions sur l'enseignement donné au séminaire de Namur, sur l'encadrement dont les séminaristes bénéficient, sur la direction spirituelle, sur la prêtrise en Belgique... Des Béninois particulièrement intéressés par l'insertion pastorale qui figure au programme des séminaristes. L'abbé Robberechts a encore, durant cette session, composé avec les coupures d'électricité toujours très nombreuses. Pas de quoi lui faire perdre son calme. Aujourd'hui, il attend -toujours aussi sereinement- les dissertations de ''ses'' étudiants du Bénin. ''Je vais prendre contact avec le responsables des études du séminaire de Djimè: je dois, dans ma manière de coter, être conforme à leur manière de faire.''

Le coq avant les cloches
L'abbé de Fernelmont était en Afrique lors de la fête de la conversion de Saint-Paul. Une fête célébrée, cette année, en présence du nonce apostolique, Mgr Brian Udaigwé (la photo). Outre cet aspect plus officiel de la visite, le football était encore au programme de cette journée. L'abbé Robberechts, sportif convaincu, a résisté à la tentation d'aller taquiner le ballon.
Lors de son séjour, l'abbé Robberechts a vécu au rythme des séminaristes avec un réveil par le chant du coq. Un gallinacé souvent en avance sur la cloche! L'abbé a également visité les environs. ''J'ai constaté combien la population est jeune. J'ai assisté à une leçon de catéchisme et j'ai été surpris en voyant que les enfants avaient tout appris par coeur.'' Une population majoritairement chrétienne ''et fière de l'être'' ponctue l'abbé. Il ajoute: ''Dans la société africaine, le prêtre a une place à part. Il y tient une place importante. C'est une personne à qui on vient confier les problèmes les plus graves.''L'abbé Robberechts a aussi été quelque peu surpris lorsqu'à l'issue d'une célébration, les paroissiens et les prêtres ont entrepris une catéchèse sur la polygamie. Interdite par la loi, la polygamie reste encore bien présente dans les villages. Il y a eu des témoignages, des réactions...
Lui le passionné de musique - il avait emporté sa guitare dans ses bagages - n'est pas resté impassible en assistant aux célébrations. Il s'est laissé entraîner par les chants interprétés en fon, une langue très syncopée. Au Bénin comme dans bien des pays pas d'orgue mais une batterie, des djembés, des tam-tams... ''Leur joie est communicative. Comme eux, il faut apprendre à lâcher prise pour vivre.''
L'abbé Bruno Robberechts a le sentiment que ce voyage l'a changé. ''La grande leçon que je retiens de l'Afrique est d'avoir vu que beaucoup de personnes ont peu de choses pour vivre et qu'elles sont heureuses justement de vivre. Lors d'une visite dans une léproserie, j'ai été encore marqué par cette joie de vivre des personnes qui y séjournent tout comme des religieuses qui les accompagnent. Là où nous, nous lamentons, en Afrique on a ce bonheur de vivre.''
Christine Bolinne