Jean-Claude Jacob, ministre officiant pour la communauté juive d’Arlon depuis 1972, a d’abord rappelé la création des Amitiés Judéo-Chrétiennes dans les années 50. Depuis le groupe s’est ouvert à la Laïcité et ensuite aux musulmans.
Pour Jean-Claude Jacob, ce vivre ensemble est aussi facile que difficile à vivre! Les religions s’observent sans essayer de se comprendre. Accepter les autres, les respecter, leur parler, voilà la clé du problème! Vivre la différence, c’est cela qui est constructif. Sur les lieux de travail, il faut lutter contre les préjugés, le mépris, parfois même la cruauté! Regarder son collègue comme un humain quelle que soit sa religion, sa couleur de peau. Oublier ce qui nous sépare, regarder ce qui nous unit. Etre pleinement nous-mêmes avec nos valeurs sans que les autres y fassent obstacles.

Un climat constructif et positif
Jean-Marie Jadot, représentant la communauté catholique d’Arlon, a évoqué la préparation des célébrations patriotiques des 21 juillet et 15 novembre qui se vivent ensemble depuis 2007. Il a souligné la belle amitié vécue entre eux et définit leur objectif: créer un climat constructif et positif pour bâtir un monde où il fait bon vivre ensemble. Vivre ensemble, c’est le rêve de l’humanité auquel viennent se heurter le sectarisme, l’égoïsme, la haine, la violence, la division… On doit se battre pour progresser, être vigilant. C’est aussi un fondement de la foi chrétienne: le commandement de Jésus, aimer Dieu de tout son cœur et aimer son prochain comme soi-même. ''Celui qui dit j’aime Dieu et qui n’aime pas son frère est un menteur (1 Jean 4, 20).'' Le mot ''catholique'' qui définit notre foi signifie universel, ouvert à tous. C’est un beau défi pour notre région frontalière et à l’intérieur de chacune de nos communautés.
Mohamed Bouezmarni, secrétaire général de l’Association des Musulmans d’Arlon, a ensuite évoqué la dimension multiculturelle de notre société européenne où l’image des musulmans est injustement mise à mal: incompréhension, amalgames, crainte, rejet, phobie… Il faut oser sortir de sa bulle pour aller vers l’autre sans tabou, oser dire les choses avec sincérité. L’Association des Musulmans d’Arlon a été créée en 2004 non pas pour construire une mosquée mais au service de la société arlonaise, pour participer au dialogue inter-religieux. C’est une association libre, autofinancée sans aucun subside. En février dernier un appel aux dons pour la rénovation de la synagogue a été fait à la mosquée: c’est une première mondiale! Un geste demandant une bonne dose d’empathie quand soi-même on se trouve dans le besoin, un geste pour contribuer à construire ce vivre ensemble.

Un modèle arlonais
Mais ce modèle arlonais de dialogue interconfessionnel est-il exportable? Jean-Louis Cornez, pasteur luthérien, a répondu à cette question en précisant que ce n’est pas un modèle mathématique, c’est un exemple à figure humaine, qui se vit dans l’improvisation, de manière bon enfant, dans une petite ville aux côtés humains, à la frontière, habituée au dialogue… Le fondement pour moi, dit-il, est le récit de la Création: on est tous fils et filles d’un même couple, donc tous frères et sœurs! Et nous pouvons tous arriver à cette même conclusion quels que soient nos textes de référence. Nous arrivons à discuter ensemble de choses qui fâchent sans nous fâcher! Si on est capable de s’apprécier ici, cela doit pouvoir être possible aussi ailleurs!
Ludovic Turbang a pris alors la parole au nom de la communauté laïque d’Arlon, fondée en 1992 pour structurer des associations déjà existantes. Pour lui, le dialogue ''interconvictionnel'' n’est pas évident: on se connaît, on se croise sans se parler. Il faut une éducation à l’ouverture d’esprit à l’école, en famille. Le dialogue sera ce que nous en ferons. Où et quand prenons-nous le temps de nous parler, d’exprimer ce que sont nos codes et nos valeurs? ''Vivre ensemble et mettre en commun discussions et pensées: c’est en ce sens-là, semble-t-il, qu’on doit parler de vie en société quand il s’agit des hommes, et il n’en est pas pour eux comme pour les bestiaux où elle consiste seulement à paître dans le même lieu'', disait Aristote. La déclaration des cultes et de la laïcité suite aux attentats de janvier rappelait que: ''La Belgique est un pays ouvert, tolérant et accueillant. Le terrorisme, l’intégrisme, le radicalisme et les discours haineux n’y ont pas leur place. Nous devons éviter de tomber dans le piège tendu par les terroristes visant à diviser les citoyens.''
La rencontre s’est terminée par la remise d’un chèque de 2.404 € de l’Association des Musulmans d’Arlon à la communauté juive (photo).
Un beau témoignage de vivre ensemble et d’amitié entre les représentants des différents cultes et de la laïcité d’Arlon! Une invitation à se rencontrer et à faire connaissance entre citoyens de différentes convictions!
Karine Burnotte
Arlon