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19/12/2020
La Fraternité de Tibériade présente dans 2 hôpitaux
Les frères et les sœurs (les mésanges) de la Fraternité de Tibériade sont régulièrement au chevet des malades de l’hôpital de Jolimont, et aussi à Lobbes. Une présence discrète, priante qui, dans le contexte actuel, est encore tellement plus importante. Si les religieux de Lavaux-Sainte-Anne sont aux côtés des malades, ils sont encore là pour un personnel médical épuisé tant physiquement que mentalement. Frère Bart, serviteur général - il a succédé à Frère Marc, fondateur de la Fraternité - nous partage, avec émotion, ces rencontres. Pour lui comme pour les membres de la Fraternité, ces moments échangés, ces mains tenues, ces sourires à faire passer derrière les masques sont autant de cadeaux à donner mais aussi à recevoir.
Un texte écrit par Frère Bart

« En ces jours-là, parut un édit de l’empereur Auguste, ordonnant de confiner toute la terre... »

J’ai voulu vous surprendre en adaptant ce verset de l’Évangile selon saint Luc à notre situation actuelle. À l’époque, l’empereur Auguste avait imposé un recensement parce qu’il voulait connaître l’étendue de son pouvoir. Cet édit impérial avait obligé tout le monde à se mettre en route, même Joseph et Marie n’y échappaient pas. Voyage risquée pour Marie... peurs, angoisses et questionnements. C’est dans ce contexte que le Sauveur nous est né. Aujourd’hui, c’est le confinement qui nous a obligé de vivre autrement Noël. Mais une chose est certaine, c’est une certitude de foi : Dieu sait nous rejoindre dans toutes les situations.

Nous voulons vous partager humblement quelques signes de la présence de Dieu au cœur de notre monde d’aujourd’hui. Des étoiles scintillent au cœur des ténèbres. Certes les étoiles ne font pas disparaître la nuit que vivent certaines personnes. Elle n'enlève pas les ténèbres, mais je dirais, les apaisent quelque peu. Le lever d'une étoile n'est pas le lever du soleil. Le soleil se lèvera à nouveau. Mais choisissons ensemble de regarder les étoiles de l’espérance. Voici quelques brins d’espérance.

Depuis plusieurs semaines, et jusqu’au 25 décembre, nous avons essayé d’être présents - une humble présence de compassion - auprès du personnel et des malades dans les hôpitaux de Jolimont et de Lobbes dans les unités covid et non-covid, ainsi qu’aux soins intensifs.

Nous rendons des petits services, mais cela semble vraiment soulager le personnel. Ils regrettent de ne pas avoir le temps de prendre de vrais moments de qualité avec les malades. Ils voient que nos visites apaisent certaines personnes. Les médecins, les infirmiers et infirmières ont dur. Mais une force intérieure les habite. Tant de gestes d’humanité à travers les soins donnés.

Je vous partage ici ma petite expérience aux soins intensifs. À la fin d’une journée de service, je rentre dans la chapelle de l’hôpital pour offrir avec les frères et sœurs, dans la prière, toutes les personnes rencontrées. Voilà qu’au fond de l’église, un homme s’est effondré en pleurs. Impossible de le calmer, son papa vient de mourir le jour précédent et sa maman est hospitalisée, malade du covid et mourante elle aussi. Il est dans un grand désarroi. C’est poignant pour moi aussi et je sens l’émotion qui me serre la gorge, une communion dans la douleur partagée. Je laisse un peu de silence. À un moment donné, il me montre un immense tatouage sur son avant-bras musclé. J’y lis : « Gloire à Dieu ». Voyant cela, je tâtonne et propose aussi de donner le sacrement des malades à sa maman. Il me dit : « Tout ce qui est catholique, c’est bon. Faites... ». Le lendemain, je suis monté avec sœur Faustine dans une des unités covid pour donner à sa maman, déjà inconsciente, le sacrement des malades.

Un jour, je devais accueillir la famille d’un patient qui était en fin de vie. La personne est décédée durant la visite. La famille savait que j’étais un religieux et désirait partager leur douleur après la visite. Dans le partage qui commence, les questions pratiques et les souvenirs se mêlent de manière chaotique. Cela va dans tous les sens. Je sens que les personnes ont besoin de s’apaiser quelque peu et je vais chercher quelques tasses de café. Ce « petit geste de presque rien », offrir une tasse de café, apaise immédiatement les personnes, et je suis témoin d’un beau petit partage familiale paisible. Je sens que je dois m’éclipser pour laisser la famille. Ils me disent tout simplement : « Merci, monsieur, cela nous a aidé à commencer notre deuil ».

Je vous livre aussi le témoignage de soeur Colombe après une semaine à Lobbes, 3 jours dans une unité Covid et deux jours aux soins intensifs :
« Cette expérience aux soins intensifs fut une réalité très rude à rencontrer mais très riche. De beaux liens humains se sont tissés, ce sont des visages et des partages que je continue de porter dans mon cœur. Sabrina qui m’a accueillie en pleurant dans le service, me confia la tâche d’écouter le personnel qui en cette deuxième vague craque psychologiquement. Lors de cette vague-ci seulement un patient est sorti vivant des soins intensifs sur 30 contre 18 lors de la première vague... Ils ne comprennent pas pourquoi ce peu de résultat et c’est très rude. Ils se donnent tous avec générosité en faisant des heures supplémentaires... Mais allier ce métier et la vie familiale restent un défi tiraillant... Leur don d’eux-mêmes m’a émerveillé et m’a tellement parlé de Dieu : c’est un métier d’espérance, pour chaque patient il y a une infime possibilité pour qu’il en sorte vivant et pourtant, les membres du personnel voient et espèrent cette possibilité en se battant avec chaque patient ! Christophe qui est le kiné de la bande m’a beaucoup touché par son soin très humain auprès des patients. Lors d’un massage qu’il faisait à Didier entubé avec des sédatifs (donc très peu conscient) il lui parlait ainsi : « Allez monsieur ! Tu vas y arriver, tes enfants t’ont fait un dessin, ils sont avec toi, courage ! Je me bats avec vous ! » Oui, j’ai découvert que certes il y a une solitude dans la souffrance, mais on ne peut laisser paradoxalement quelqu’un souffrir seul... Je pensais à la parabole du Bon Samaritain qui ne fuit pas devant cet homme blessé, mais il s’y approche et fait ce qu’il peut pour le soulager. J’ai eu l’occasion de vivre cette parabole à mon échelle auprès de Michel qui était dans la phase de réveil pour tenter de lui enlever le tube. Il était angoissé, son rythme cardiaque sur l’écran s’accélérait ainsi que la courbe de son oxygène qui était saccadée... Sa souffrance se lisait dans son corps qui se tendait et dans ses yeux qui pleuraient. J’étais impressionné par la situation, je préférais tout d’abord fuir et aller auprès d’un autre patient plus calme, mais j’étais saisi par un appel intérieur à me dépasser… Je décide de lui essuyer les larmes qui coulaient sur son visage, d’humidifier avec un tampon ses lèvres sèches en lui disant : je ne suis pas médecin, mais je suis religieuse, je ne sais rien faire pour votre souffrance physique, mais je vais rester auprès de vous... Et à la grande surprise des médecins et infirmières qui veillaient de loin sur son écran, ses paramètres se sont stabilisés... mais malheureusement pour peu de temps. La nuit ils ont dû redonner des sédatifs. En fait une simple présence si pauvre soulage déjà un peu... Je découvre un peu plus ce que c’est consoler, être avec celui qui vit une souffrance, tout seul. »

Regardez scintiller autour de vous les étoiles de l’espérance et devenez aussi une petite étoile de la bienveillance. Je vous livre simplement une réflexion du pape dans sa dernière encyclique. « … Il est cependant possible de choisir de cultiver la bienveillance. Certaines personnes le font et deviennent des étoiles dans l’obscurité ».

Et le pape continue : « La personne dotée de cette qualité aide les autres pour que leurs vies soient plus supportables, surtout quand elles ploient sous le poids des problèmes, des urgences et des angoisses <…>. La bienveillance est une libération de la cruauté qui caractérise parfois les relations humaines, de l’anxiété qui nous empêche de penser aux autres, de l’empressement distrait qui ignore que les autres aussi ont le droit d’être heureux. <…> Mais de temps en temps le miracle d’une personne aimable apparaît, qui laisse de côté ses anxiétés et ses urgences pour prêter attention, pour offrir un sourire, pour dire une parole qui stimule, pour rendre possible un espace d’écoute au milieu de tant d’indifférence. Cet effort, vécu chaque jour, est capable de créer une cohabitation saine qui l’emporte sur les incompréhensions et qui prévient les conflits » (n. 222-224).

Laissez-vous rejoindre par la bienveillance de Dieu qu’aucun édit humain ne peut arrêter. Devenons le reflet la bienveillance de Dieu à travers un sourire, un mot d’encouragement, une prière secrète, une tasse de café offerte… Être cultivateur de la bienveillance, quelle Bonne Nouvelle !

Frère Bart
Fraternité de Tibériade
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