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27/8/2010
L'abbé Philippe Coibion a vécu, en Centrafrique, avec les Pygmées
Depuis qu'il est revenu au pays, l'abbé Philippe Coibion réapprend "notre" vie. Après avoir passé des années en Centrafrique dont de très nombreuses avec les Pygmées, il redécouvre la vie en paroisse, dans le diocèse. L'abbé Coibion est curé à Bossière, Beuzet, Les Isnes et Mazy. Avant de changer de continent, l'abbé Coibion s'était consacré aux malades (l'abbé Coibion a aussi un diplôme d'infirmier) en étant aumônier aux cliniques universitaires de Mont-Godinne. A la quarantaine, ce prêtre a eu besoin "d'autre chose". Il est parti pour l'Afrique. Il a aidé, avec d'autres, les Pygmées à prendre conscience de l'oppression qu'ils subissaient. A prendre leur indépendance, à suivre une catéchèse.... Une partie de son coeur est restée à Monasao et à Berberati. Et quand la sonnerie de son portable sonne et qu'à l'autre bout du fil, c'est justement la Centrafrique, son regard pétille.
"J'étais encore à l'école primaire que j'avais déjà ce projet en moi: je savais que je serais prêtre." Les années passent et le gamin de Freux (Libramont), toujours convaincu de devenir prêtre, s'inscrit au séminaire de Namur. Alors qu'il est en théologie, sa maman tombe gravement malade, Philippe Coibion est ainsi confronté au monde médical. Avant de faire son stage pastoral, il demande pour reprendre des études. Trois ans après, le diplôme d'infirmier en poche, il part en stage. Un mi-temps dans une paroisse, un autre mi-temps à la Croix Jaune et Blanche. "C'était vraiment une situation très riche. Quand les personnes présentent un déficit de santé, on constate que le dialogue est plus ouvert et bien plus profond." Ordonné prêtre en juin 1981, il est désigné vicaire à Virton. Un ministère exercé à mi-temps, l'autre partie se passant à la clinique Edmond Jacques.
Arrive ce coup de téléphone qui, l'abbé Coibion le reconnaît, l'a déstabilisé: "L'abbé Meunier, vicaire général m'appelle et me demande si je veux devenir aumônier des cliniques universitaires de Mont-Godinne. Je n'y avais jamais pensé. Je lui ai dit que j'allais y réfléchir. J'ai tellement tardé à donner ma réponse que ma nomination est arrivée avant! Le premier jour, j'y suis allé avec des pieds de plomb. J'ai beaucoup aimé ce poste. Je l'ai exercé de 1983 à 1993 et c'est un très beau ministère que j'ai découvert." Un hôpital qui ne cesse de prendre de l'ampleur, des malades qui ont besoin d'être écoutés, comme les familles et le personnel soignant d'ailleurs. L'abbé Coibion: "Aller à l'hôpital tous les jours, c'est dur même si j'avais l'impression de recevoir autant si pas plus des personnes que je rencontrais."

Les Pygmées: des hommes comme les autres
L'abbé Coibion avait déjà voulu partir au Rwanda, en mission humanitaire, en lieu et place de son service militaire. Ce projet n'avait pu aboutir en raison des troubles qui agitaient le Rwanda, cette année-là. "Après dix ans d’aumônerie d’hôpital, j’ai pu concrétiser mon rêve de donner quelques années de mon ministère comme prêtre Fidei donum". Alors qu'il venait d'avoir 40 ans, il s'est mis en contact avec l'abbé Genin, un prêtre qui travaillait pour ATD Quart-monde, avec les Pygmées, en Centrafrique (ndlr: l'abbé Alain Genin, du diocèse de Namur, originaire de Tennevile, est décédé l'année dernière. Un prêtre français de 75 ans, l’abbé René Ripoche du diocèse d’Angers cherchait à rentrer dans son pays, il fallait le remplacer. L'abbé Coibion est parti "pour voir" comme il le précise. "J'étais dans une voiture avec l'abbé Genin. La route? C'était plutôt une piste de sable. On roulait et il n'y avait rien. Je me demandais vraiment où on m'emmenait. J'avais l'impression d'être au bout du monde. Nous sommes arrivés à Monasao, l'accueil a été chaleureux. La mission existait depuis 19 ans. Après une semaine, j'ai écrit à l'évêque pour lui dire que c'était OK que je vivrais avec les Pygmées."
Le travail des religieux français présents depuis tellement d'années et qui va être poursuivi par l'abbé Coibion est, notamment, de faire prendre conscience aux Pygmées qu'ils sont des "hommes comme les autres". Les Pygmées n'étaient pas reconnus donc écrasés socialement, politiquement. "C'est vraiment une très belle chose, ajoute l'abbé Coibion, que nous ayons pu les amener à voter. C'est de la pastorale sociale. Nous avons aidé ces gens à se libérer de la tutelle des villageois, à prendre leur place dans la société." Parallèlement, cette petite communauté chrétienne avait entamé un travail pour les aider à améliorer le quotidien. "Ils voyaient aussi le Père René qui lisait la Bible, assis devant sa case. Ils lui ont demandé des explications. Et le soir, autour du feu, il leur racontait la Bible. En 1987, douze ans après le début de la mission, il y a eu onze baptêmes."

"On veut notre village"
Si le français est la langue officielle de Centrafrique, l'abbé Coibion a appris le Sango pour communiquer avec les Pygmées. "Le Sango est une langue concrète, pour la vie de tous les jours, quand il faut mettre des subtilités, cela devient plus complexe, précise l'abbé." L'abbé a été très vite sensible à la situation des Pygmées. "On les exploite. Ils ont été très longtemps sous la coupe d'autres qui les faisaient travailler contre de l'alcool. Eux, ils voulaient leur propre village avec leur chef. Etre autonomes, raconte l'abbé Coibion. Le Père Michel Lambert, un prêtre Fidei Donum a commencé avec quelques uns. Ils ont créé un village. Ils y sont aujourd'hui 2000! Il faut aussi les aider à prendre conscience de la valeur de leur culture. Avant, ils étaient semi-nomades. Aujourd'hui, ils sont semi-sédentaires avec, dans le village une école, une église, un dispensaire. Avant de partir, j'avais suivi une formation de cinq semaines, à Lille, en médecine tropicale. J'ai surtout appris, en donnant des soins, sur le tas."
Des Pygmées qui retournent dans la forêt pour la chasse et la cueillette. Ils y retrouvent aussi leurs racines. Les jeunes doivent être sensibilisés aux techniques ancestrales. L'abbé Coibion, l'homme de nos Ardennes, est allé en forêt avec eux. "Ils chassent au filet. Ils prennent tout ce qui passe cela va de l'antilope au gorille en passant par les serpents. Notre nourriture était principalement constituée de gibier. C'est très bon. Avec eux, j'ai aussi mangé des termites et des chenilles. J'ai voulu goûter à tout."

Un déchirement
"Lorsque je suis parti, c'était un déchirement ,explique le prêtre. Je savais pourtant que j'étais venu pour un temps déterminé et que le suivi de la mission était assuré. Il m'a fallu six mois pour reprendre pied. J'avais une sorte de deuil à faire." Retour en paroisse, dans la région de Dinant. L'abbé Coibion reprend une formation en soins palliatifs, cette fois. "Quand je suis revenu, je n'avais pas prévu de repartir! Je me plaisais très bien à Celles même si j'avais toujours en moi un goût de l'Afrique. Lorsque je suis parti, une personne m'avait dit: 'Patron, tu quittes l'Afrique mais l'Afrique elle ne te quittera jamais'." Cet homme avait vu juste... En 2005, l’évêque de Berbérati sollicite de nouveau son aide. Mgr Léonard marque son accord. Le temps de boucler ses valises, l'abbé Coibion retourne en République Centrafricaine. Sur place, il s'occupe de l'accompagnement spirituel de jeunes séminaristes et avec l’abbé André Lerusse, aussi de notre diocèse, il dessert une paroisse, la paroisse Sainte-Anne qui compte 30 % de chrétiens. Elle est située dans la périphérie de Berberati. "Il s'agissait de passer dans de petites communautés chrétiennes réparties sur une centaine de kilomètres de pistes". Entre les passages du prêtre, ce sont des catéchistes qui s'occupent des communautés. Le prêtre, lors de ses visites, rassemble les catéchistes pour compléter leur formation. "J'ai toujours été très bien accueilli lors de ces rencontres. La convivialité y est importante. La vie sociale est très forte: les gens vivent ensemble. L'inverse de chez nous où je peux passer, si je le veux, plusieurs jours chez moi sans voir personne. En Afrique, c'est impossible."
Aujourd'hui, l'abbé Coibion est de retour dans le diocèse. Et cette fois, il est quasi convaincu qu'il ne repartira plus en Afrique ou alors pour des vacances et y voir des amis. Une Afrique qui l'a changé: "J'ai maintenant un autre regard sur notre société, sur l'Eglise universelle, sur l'Afrique. J'ai appris à prendre mon temps. Ma philosophie de vie est différente. En Afrique même si les journées sont bien remplies, les gens sont rarement stressés. Pas comme ici..."
Christine Bolinne
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