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28/5/2013
L'abbé Jacques Theisen: curé bâtisseur au Brésil
Encore quelques jours à passer dans le diocèse puis l'abbé Jacques Theisen reprendra l'avion. Direction Natal au Brésil. Un pays, une ville où il vit depuis plus de quarante ans maintenant. Le travail qu'il a mené et qu'il continue à réaliser sur place est énorme. Il y a ouvert plus de quarante jardins d'enfants et autant d'églises. Le tout dans une agglomération qui ne cesse de grandir. Parallèlement, les conditions de vie de ces Brésiliens sont devenues bien meilleures. Ces quartiers de Natal ont changé: la misère n'y règne plus en maître. L'abbé Theisen y a plus que contribué...
C'est sans doute le dernier séjour de l'abbé Jacques Theisen dans son pays natal, la Belgique. A 83 ans, il repart pour le Brésil, le pays où, comme prêtre, il s'est toujours mis au service des plus pauvres. Un large sourire barre un visage bronzé par le soleil d'Amérique du sud. Dans ses bagages, l'abbé Jacques Theisen a ramené, au pays, des brochures qui retracent le formidable travail qu'il a entamé, c'était il y a 45 ans maintenant, au Brésil. Une brochure avec des photos, des témoignages et de longues listes de lieux ouverts grâce à son énergie. Sa fierté, lire les témoignages d'Anita, Fabiano, Luciene et tous les autres. Aujourd'hui, ils sont enseignant, avocat, docteur en biologie... ils sont autant d'exemples d'une belle réussite.
La joie de l'abbé Jacques Theisen ou plutôt du Padre Tiago? Avoir ouvert des jardins d'enfants. Rien d'extraordinaire pourrait-on penser. Dans les quartiers défavorisés de Natal, jusqu'à l'arrivée de l'abbé Theisen on n'avait jamais pensé que dans ces lieux sans eau, sans électricité on pouvait se préoccuper des enfants. Un vrai bâtisseur que le Padre Tiago. Il a permis l'ouverture d'une quarantaine de jardins d'enfants et autant d'églises. On lui doit encore la construction de dispensaires, de cabinets dentaires, des lieux nécessaires aux Brésiliens.

''Tu veux tuer les gens ou les sauver?''
Mais remontons le temps. Revenons à une époque où la vie de Jacques Theisen se déroulait encore dans les rues de Namur entre un père commandant des pompiers mais aussi sellier bourrelier et une mère qui veillait sur la famille. ''J'avais 10 ans en mai 40 lorsque la guerre a été déclarée. Durant plus de quatre ans, j'ai mangé une fois par jour. Cela m'a appris à vivre.'' Il ne le sait bien sûr pas encore mais ces conditions pénibles l'aideront beaucoup lors de ses premières années au Brésil.
Les années passent et le jeune Namurois envisage de devenir pilote de chasse. C'est bien connu, les accidents de la vie poussent à réfléchir. Jacques Theisen ne fait pas exception. ''Je rêvais de devenir pilote de chasse et puis je me suis dit: 'si tu fais ce métier, tu vas t'entraîner à tuer les gens. Est-cela que tu veux? Tu veux tuer les gens ou les sauver?''' A cette période, il servait régulièrement la messe à la cathédrale notamment lorsque Mgr Charue présidait. Les deux hommes parlaient volontiers. ''Il m'a conseillé d'étudier le latin et le grec.'' La suite? Jacques Theisen s'inscrit au séminaire. Ordonné prêtre, il sera onze ans vicaire dans la paroisse de la Sarthe à Auvelais. Le quartier est difficile et les catholiques sont loin d'être majoritaires... ''C'était alors la paroisse la plus pauvre du diocèse. C'est ce que je voulais. J'avais dit à l'évêque que je voulais avoir une paroisse de petites gens, de gens simples. C'est ça le peuple de Dieu. Il est composé de personnes qui reçoivent peu d'affection, qui ont une santé déficiente... Nous étions deux prêtres pour 2.300 habitants, j'avais beaucoup de temps pour le catéchisme, visiter les écoles, l'hôpital.''

Le choc
Le jeune prêtre découvre alors que l'Amérique latine peut elle compter sur un prêtre pour 17.000 habitants. Dans notre diocèse, à ce moment-là, on dénombre un prêtre pour 550 habitants! L'abbé Theisen sent que sa place est ailleurs. Au même moment, le pape encourageait les prêtres à partir pour des pays où il y avait un important travail d'évangélisation à mener. L'abbé Theisen en parle à Mgr Charue. L'évêque de Namur lui demande de réfléchir une année et lui confie la paroisse de Sclayn. Un lieu où le prêtre est très entouré où les fidèles sont bien plus nombreux qu'à Auvelais. Rien ne le fera changer d'avis: ''Je savais que je partirais''. Il s'imagine déjà quelque part dans la cordillère des Andes, un endroit du monde avec lequel il correspondait via un prêtre installé là-bas. L'abbé part étudier l'espagnol. Et alors qu'il se familiarise avec la langue de Cervantes, il rencontre un évêque brésilien qui lui parle du manque de prêtres dans son pays. A Natal, on compte 42 prêtres pour une villle de 1,5 millions de personnes! Sa décision est prise même sans savoir où Natal se trouve sur la carte. ''Je me suis dit: pourquoi pas. C'est le Seigneur qui a besoin de moi.'' Le cours d'espagnol est vite abandonné au profit du cours de portugais!
Avant de boucler ses bagages, il récolte des médicaments qui seront bien utiles, une fois sur place. Il en profite aussi pour se familiariser avec la médecine d'urgence.
Le 8 mars 1967, c'est le départ du port d'Anvers: il embarque dans un cargot qui le débarquera 14 jours plus tard dans le port de Récife; ''Je n'ai jamais autant écrit de ma vie que durant cette traversée. J'ai aussi célébré la messe, en latin, pour la quarantaine de marins.''
Le prêtre n'oubliera jamais le jour où il a posé le pied au Brésil: un vendredi à 16h par 35° plutôt chaud quand on porte des vêtements sombres et un col romain! Un vendredi où tout est fermé y compris la douane. Il rencontre un rédemptoriste qui l'héberge... c'est le premier contact avec son ''nouveau'' pays. Restera à prendre la route - pas macadamisée - pour Natal: 300 kms à travers les petits villages. ''Je me suis retrouvé dans le quartier le plus pauvre sans eau, sans électricité, sans égoût. Un pays sous la dictature militaire et où l'Eglise n'était pas bien vue. Je changeais de pays, de langue... et j'ai rencontré des gens extraordinaires. J'allais célébrer chez eux. J'étudiais avec eux l'Evangile. Je n'ai pas réussi à motiver tout le monde bien sûr.'' Un vrai travail d'évangélisation que le père Theisen a mené pendant des années. Et c'est comme ça qu'il a fait connaître la Parole de Dieu.

Les jardins d'enfants
Alors qu'il vivait encore en Belgique, l'abbé avait pu se rendre compte combien un jardin d'enfants est essentiel à l'épanouissement des petits. Ils fréquentent le lieu à un âge où ils se structurent. Une fois au Brésil, il n'a eu qu'une envie: récolter des fonds, remuer ciel et terre pour ouvrir de tels espaces. Une énergie payante: il en a ouvert un, puis deux, puis trois... Aujourd'hui, il y en a 34 dans sa région d'adoption. Il a procédé de la même manière pour bâtir des églises: 46 sont sorties de terre à Natal et dans sa périphérie. Depuis quelques années, le Padre Tiago peut compter sur une équipe de 22 prêtres et de 14 diacres. Cet abbé bâtisseur est encore à l'origine de l'ouverture de dispensaires, de cabinets dentaires. Sa volonté: instaurer une dynamique, une politique de développement tant du corps que de l'esprit. L'abbé Theisen qui va fêter, l'été prochain, ses 58 ans de prêtrise est très fier du résultat; ''ce sont mes jeunes''. Il en a les larmes aux yeux en pointant du doigt la réussite de ces hommes et de ces femmes qu'il a vu grandir. Il en a célébré des mariages mais aussi des baptêmes: plus de 50.000 tout au long de ces années. Natal a bien grandi.
Aujourd'hui, le padre Tiago a choisi de vivre avec son temps. Il se sert des moyens actuels pour poursuivre ses enseignements: facebook fait partie de son quotidien tout comme youtube pour poster ses vidéos. Une autre manière, comme il dit, de préparer le ferment.
Christine Bolinne
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