Voici quelques mois, deux amis m’invitaient à les accompagner à Deir Mar Moussa en Syrie, en pèlerinage. La proposition m’a de suite plu. J’entendais parler depuis quelques temps d’un monastère chrétien dont la vocation est de vivre le dialogue islamo-chrétien et accueillir chacun sans distinction.
Dans un moment perturbé pour la Syrie, nous avons décidé de nous y rendre malgré tout, de rejoindre les minorités chrétiennes pour les rencontrer, de nous faire plus proches d’un peuple guetté par la violence d’un éventuel soulèvement.
Deir Mar Moussa (monastère de Saint Moïse l’Abyssin) est situé à 90 km au nord de Damas. Partie pour huit jours à la rencontre de ce lieu, de jeunes en recherche, des musulmans mais aussi des chrétiens d’Orient, je resterai marquée par cette expérience.

Le sens du désert
Le désert révèle des choses en l’homme. Ces étendues vides et parfois rocailleuses contrastent avec nos pays verts où la vie et l’activité abondent. Je comprends maintenant mieux le sens du mot ''désert'', le lieu où le face-à-face avec le tout Autre devient presque inévitable. Je n’étais pas toujours à l’aise dans cet univers si différent… mais j’ai pu par là sentir un appel à une confiance plus aveugle, plus pure.
Nous sommes surtout restés à Mar Moussa, monastère longtemps oublié et abandonné mais rénové par l’énergie de Paolo Dall’Oglio, jésuite italien dont la vocation est de faire grandir le dialogue avec ses ''frères musulmans'', comme il le dit lui-même. Autour de lui s’est constituée une communauté de moines et de moniales qui donnent leur vie pour l’accueil et l’échange. Les voyageurs viennent pour un an, 2 semaines, 1 jour, pour un repas seulement… Ils y découvrent la prière, la beauté du rite syriaque célébré en arabe, la vie communautaire et l’amour fraternel. L’énergie qui émane de ce lieu est impressionnante. La vie n’y cesse jamais.

Sobriété et simplicité
Soixante kilomètres plus loin se trouve le monastère de Mar Eliane, à Al-Quaryatayn. Le père Jacques Mourad y vit et assume aussi la paroisse du village. Il a connu Mar Moussa à 18 ans et y est devenu prêtre avant d’être appelé à redonner vie à ce monastère lui aussi oublié. Sa présence auprès des chrétiens arabes est un vrai cadeau, tout autant que pour les visiteurs. Plus éloigné de la réalité internationale de Mar Moussa, le monastère de Mar Eliane m’a beaucoup touchée. Sa sobriété et sa simplicité m’ont émue.
Par cette semaine, je comprends mieux le lien qui lie les chrétiens entre eux. A des milliers de kilomètres, cette population minoritaire nous a accueillis avec joie et un naturel déconcertant alors que nous ne savions pas toujours nous exprimer dans la langue de l’autre. C’est le Christ qui était au cœur de nos rencontres.
J’ai également été fort interpellée par le désir de dialogue islamo-chrétien et la volonté du père Paolo d’aller bien plus loin qu’une simple cohabitation pacifique où chacun garderait précieusement ses conceptions sans aller réellement vers l’autre. Ce jésuite prône une réelle inculturation au sein de la communauté musulmane de Syrie avec laquelle il vit depuis plus de 20 ans. Beaucoup de questions émergent en moi et m’appellent à aimer plus et mieux. Mais mieux comprendre ma propre foi est déjà tout un programme…
Un moment fort pour moi a été celui où, emmenée par un chrétien catholique dans le village proche du monastère de Mar Eliane, j’ai vu un grand-père musulman venir demander au prêtre de la paroisse orthodoxe du lieu de bénir son enfant.
Krystyna Sobieski
Photo du monastère de Mar Moussa: @compagnie de Jésus