Jeunes Vie du Diocèse Formations Agenda

 Retour à la liste
24/5/2016
Mgr Warin nous aide à comprendre l'exhortation apostolique ''Amoris laetitia''
Mgr Pierre Warin, évêque auxiliaire du diocèse a analysé, en profondeur, la dernière exhortation apostolique du pape François intitulée ''Amoris laetitia'', ''la Joie de l'amour''. Il propose une grille de lecture pour permettre à chacun qu'il soit prêtre, laïc engagé dans la vie de l'Eglise ou ''simple'' curieux d'aborder au mieux ce texte. Il a déjà proposé cette analyse lors du Conseil presbytéral et lors du Conseil pastoral. L'objectif étant qu'un maximum de personnes puissent prendre connaissance de cette exhortation et soient guidées dans les passages plus pointus. Voici une aide précieuse pour la lecture.
L’Exhortation apostolique ''Amoris laetitia'' (La joie de l’amour) comprend 9 chapitres.

Le premier chapitre intitulé ''A la lumière de la Parole'' est relativement bref. Il a l’allure d’une ouverture musicale, d’une composition instrumentale au début d’un opéra ou d’une grande œuvre. Cette ouverture s’alimente à la source qu’est la Parole, plus précisément elle prend appui sur un chant qui fait partie aussi bien de la liturgie nuptiale juive que chrétienne, à savoir le psaume 128 selon la numérotation de la Bible hébraïque que suit le Pape, et 127 selon la numérotation de la Liturgie. Le psaume 127 est un des psaumes responsoriaux proposés par le Rituel du mariage.
C’est une idylle que chante ce psaume, celle de l’union enivrante de l’homme et de la femme et de leur fruit, l’enfant. La joie de l’amour dans la famille est joie débordante, allégresse. De là que le Pape a donné pour titre à son Exhortation: ''Amoris laetitia'' plutôt que ''Amoris gaudium''. Le second terme, adopté dans le titre de son Exhortation précédente ''Evangelii gaudium'', exprime une joie plus retenue que ''laetitia'', une joie intime.
Si la joie de l’amour dans la famille est débordante, ne peut être niée la réalité amère du mal, bien présente aussi. ''Ce n’est pas pour rien – écrit le Pape – que l’enseignement du Christ sur le mariage (cf. Mt 19,3-9) est inséré dans une discussion sur le divorce'' (19). Mais – ajoute-t-il – la Parole de Dieu est une compagne de voyage aussi pour les familles qui vivent une difficulté.'' Et le Pape de mentionner la parabole des ouvriers assis, dans l’oisiveté forcée, sur la place publique (Mt 20, 1-16), la parabole de ceux qui sont sans travail, pour qui et les leurs la précarité du travail est souffrance. Ou encore: que l’Ecriture rapporte que la Sainte Famille, à cause de la violence d’Hérode, a été jetée sur la route de l’exil avant les familles réfugiées d’aujourd’hui.

Dans le chapitre 2 (''La réalité et les défis de la famille''), le Pape puise dans le panorama de la réalité des familles du monde entier et des défis auxquels elles ont à faire face qu’ont dressé les Pères synodaux tant au Synode d’octobre 2014 qu’à celui d’octobre 2015.
Quels sont les apports qu’il reprend? En allant de la fin du chapitre vers le début, on peut mentionner:
- l’idéologie du gender (genre) selon laquelle l’identité humaine (masculin ou féminin) est laissée à une option personnelle et radicalement coupée de la diversité biologique du sexe (56);
- l’absence du père qui marque gravement la vie familiale (55);
- la violence honteuse qui parfois s’exerce sur les femmes, la mutilation génitale, par exemple, qui se pratique dans certaines cultures (54);
- la polygamie et les mariages arrangés (53);
- les unions de fait ou entre personnes du même sexe qui ne peuvent être simplement comparées au mariage (52);
- la toxicomanie, l’alcoolisme, le jeu et autres addictions (51);
- la situation des familles submergées par la misère (49);
- l’euthanasie et le suicide assisté (48);
- l’épreuve difficile d’un enfant handicapé (47);
- les persécutions des chrétiens, comme celles de minorités ethniques et religieuses dans diverses parties du monde, spécialement au Moyen-Orient (46);
- les familles en migration et leur accompagnement (46);
- l’exploitation sexuelle des enfants (45);
- le manque de logements dignes et le système économique actuel producteur de diverses formes d’exclusion (44);
- la responsabilité qu’a l’Etat de garantir l’avenir des jeunes et de les aider à réaliser leur projet de fonder une famille (43);
- les interventions coercitives de l’Etat en faveur de la contraception, de la stérilisation ou même de l’avortement (42);
- les crises du mariage affrontées de manière expéditive et sans avoir le courage de la patience et du pardon (41);
- le fait que les conjoints sont moins soutenus que par le passé par les structures sociales dans leur vie affective et familiale (32). Autrement dit: le milieu est moins porteur. A cela le Pape ajoute: le rythme de vie actuel, le stress, l’organisation du travail (33).

Du reste, dès l’entame du chapitre, s’il dit vouloir reprendre quelques apports des Pères, il précise: ''en ajoutant d’autres préoccupations qui proviennent de mon regard personnel''. Là où le pape paraît être le plus original est dans les paragraphes 34 à 39 du début du chapitre qui ne renvoient pas aux relations conclusives des deux synodes. En voici les passages les plus significatifs.

34. Il est facile aujourd’hui de confondre la liberté authentique avec l’idée selon laquelle chacun juge comme bon lui semble (…) Dans ce contexte, l’idéal du mariage, avec son engagement d’exclusivité et de stabilité, finit par être laminé.
35. En tant que chrétiens nous ne pouvons pas renoncer à proposer le mariage pour ne pas contredire la sensibilité actuelle, pour être à la mode.
36. En même temps, nous devons être humbles et réalistes, pour reconnaître que, parfois, notre manière de présenter les convictions chrétiennes, et la manière de traiter les personnes ont contribué à provoquer ce dont nous nous plaignons aujourd’hui. C’est pourquoi il nous faut une salutaire réaction d’autocritique (…) D’autres fois, nous avons présenté un idéal théologique du mariage trop abstrait, presqu’artificiellement construit, loin de la situation concrète et des possibilités effectives des familles réelles. Cette idéalisation excessive, surtout quand nous n’avons pas éveillé la confiance en la grâce, n’a pas rendu le mariage plus désirable et attractif, bien au contraire !
37. Nous sommes appelés à former les consciences, mais non à prétendre nous substituer à elles.
38. Nous avons souvent été sur la défensive, et nous dépensons les énergies pastorales en multipliant les attaques contre le monde décadent, avec peu de capacité dynamique pour montrer des chemins de bonheur. Beaucoup ne sentent pas que le message de l’Eglise sur le mariage et la famille est un reflet clair de la prédication et des attitudes de Jésus, qui, en même temps qu’il proposait un idéal exigeant, ne renonçait jamais à une proximité compatissante avec les personnes fragiles, comme la samaritaine ou la femme adultère.
39. Cela ne signifie pas qu’il faut cesser de prendre en compte la décadence culturelle qui ne promeut pas l’amour et le don de soi (…) Ce qui arrive avec les objets et l’environnement se transfère sur les relations affectives: tout est jetable, chacun utilise et jette, paie et détruit, exploite et presse, tant que cela sert. Ensuite adieu !

Une dernière chose: dans ce chapitre (ainsi que dans d’autres) sont cités aussi des documents de plusieurs conférences épiscopales: d’Espagne, de Corée, du Mexique, de Colombie. Le Pape François pratique la collégialité. Il se considère avant tout comme évêque de Rome et parle surtout l’italien. Dans le même sens, on relèvera ce qu’il dit dans le point 3 du préambule de l’Exhortation.
''3. Je voudrais réaffirmer que tous les débats doctrinaux, moraux ou pastoraux ne doivent pas être tranchés par des interventions magistérielles. Bien entendu, dans l’Eglise une unité de doctrine et de praxis est nécessaire, mais cela n’empêche pas que subsistent différentes interprétations de certains aspects de la doctrine (…) Dans chaque pays ou région, peuvent être cherchées des solutions plus inculturées.''

Le chapitre 3 (''Le regard posé sur Jésus: la vocation de la famille'') recèle une petite synthèse de l’enseignement de l’Eglise sur le mariage et la famille.

A la suite des Pères synodaux, le Saint-Père pose d’abord le regard sur Jésus, qui conduit à sa plénitude le projet divin. Son enseignement (et tout autant celui de l’Eglise) doit se lire à la lumière de son message d’amour. Ainsi, comme on peut le lire dans la Relation synodale 2014, l’indissolubilité du mariage ne doit pas être comprise avant tout comme un joug imposé aux hommes, mais bien plutôt comme un don fait aux personnes unies par le mariage.

L’exemple de Jésus est un paradigme pour l’Eglise. Jésus était notamment présent à Cana et il a écouté les pleurs des parents pour leurs enfants, leur rendant la vie (cf. Mc 5,41 et Lc 7,14-15).

Le Pape évoque ensuite les documents de l’Eglise, en particulier l’encyclique ''Humanae Vitae'' et l’Exhortation ''Familiaris consortio''.

Que dit l’enseignement dans l’Eglise sur la famille? Qu’elle est à l’image de Dieu qui est communion de personnes, que les futurs époux se promettent un don total, une fidélité et une ouverture à la vie, qu’en s’unissant pour être une seule chair, ils représentent les fiançailles du Fils de Dieu avec la nature humaine, même si l’analogie entre le couple homme-femme et celui Christ-Eglise est une analogie imparfaite (Plus loin l’Exhortation revient sur cela: voir paragraphe 122).

Dans ce chapitre, on épinglera encore ce qui est dit dans les paragraphes 76 à 79.
77. Le discernement de la présence des semina Verbi dans les autres cultures (cf. Ad Gentes, n. 11) peut être appliqué aussi à la réalité conjugale et familiale.
78. L’Eglise se tourne avec amour vers ceux qui participent à sa vie de façon imparfaite.
79. ''Les pasteurs doivent savoir que, par amour de la vérité, ils ont l’obligation de bien discerner les diverses situations'' (Familiaris consortio, n. 84). Le degré de responsabilité n’est pas le même dans tous les cas et il peut exister des facteurs qui limitent la capacité de décision. C’est pourquoi, tout en exprimant clairement la doctrine, il faut éviter des jugements qui ne tiendraient pas compte de la complexité des diverses situations.
Le chapitre 8 reviendra plus longuement sur cela.

Quant aux paragraphes consacrés à la transmission de la vie et à l’éducation des enfants, ils anticipent ce qui sera développé au chapitre 5 et au chapitre 7.

Dans le chapitre 4 (''L’amour dans le mariage''), le Pape applique aux couples et aux familles les caractéristiques de l’amour véritable que saint Paul énonce dans son bel hymne à la charité (cf. 1 Co 13, 4-7). Le Pape est ici original. Sa méditation est belle, parlante, interpellante, et pas seulement pour les couples et les familles.

Dans la seconde partie du chapitre, il parle de l’amour conjugal et familial. De multiples aspects sont évoqués. De là le caractère ample du chapitre et de l’Exhortation. Je ne donne que quelques éléments.
Le Pape insiste sur l’importance du regard qui prend en compte l’autre sur base de plaintes entendues. Voir paragraphe 128. Il parle d’expérience.
Son ton est aussi direct. Il s’adresse directement (Ce n’est pas le seul cas. Voir aussi paragraphes 171, 174, 212.) aux jeunes pour leur dire que le frais rameau de leur amour ne perd en rien sa fraîcheur lorsque l’amour emprunte la voie de l’institution du mariage. Que du contraire. Le mariage est une protection de l’engagement mutuel.
Pour que grandisse l’amour dans les familles, il importe encore – souligne-t-il, d’utiliser trois mots: ''s’il te plaît'', ''merci'', et ''excuse-moi''. ''Ne soyons pas avares de ces mots, soyons généreux à les répéter jour après jour, parce qu’ils sont pénibles certains silences, parfois en famille, entre mari et femme, entre parents et enfants, entre frères'' (133).
Autre exemple de propos très concrets du Pape: ''Beaucoup de discussions dans le couple ne portent pas sur des questions graves. Parfois il s’agit de petites choses, de peu d’importance, mais ce qui altère les esprits, c’est la manière de les dire ou l’attitude adoptée dans le dialogue'' (139). On sent ici vivre les familles et un Pape pasteur proche d’elles, avec elles.

Le chapitre 5 (''L’amour qui rend fécond'') est le prolongement direct du chapitre 4.
Quelques éléments:
A l’exemple de Dieu qui aime le premier, les enfants sont aimés avant de naître (166).
C’est important qu’un enfant se sente attendu. ''Il n’est pas un complément ou une solution à une préoccupation personnelle'' (170).
''Le sentiment d’être orphelin qui anime aujourd’hui beaucoup d’enfants et de jeunes est plus profond que nous ne l’imaginons (…) L’affaiblissement de la présence maternelle avec ses qualités féminines est un risque grave pour notre monde. J’apprécie le féminisme lorsqu’il ne prétend pas à l’uniformité ni à la négation de la maternité'' (173).
''Les mères sont l’antidote le plus fort à la diffusion de l’individualisme égoïste'' (174).
''Adopter est l’acte d’amour consistant à faire cadeau d’une famille à qui n’en a pas'' (179).
''Le petit noyau familial ne devrait pas s’isoler de la famille élargie'' (187). ''Une famille qui ne respecte pas et ne s’occupe pas des grands-parents, qui sont sa mémoire vivante, est une famille désintégrée; mais une famille qui se souvient est une famille qui a de l’avenir'' (193).

Si le chapitre 5 est le prolongement du chapitre 4, le chapitre 7 qui a trait à l’éducation des enfants prolonge le chapitre 5.
Ici aussi j’épingle quelques éléments.
''L’éducation comporte la tâche de promouvoir des libertés responsables'' (262).
''La formation doit se réaliser de façon inductive, de telle manière que l’enfant puisse arriver à découvrir par lui-même la portée de certaines valeurs, principes et normes, au lieu de se les voir imposées comme des vérités irréfutables'' (264).
''Une tâche très importante des familles est d’éduquer à la patience'' (275).
''La famille est le lieu de la première socialisation (…) C’est là qu’on brise la première barrière de l’égoïsme mortel pour reconnaître que nous vivons avec d’autres'' (276). ''Elle est aussi la protagoniste d’une écologie intégrale'' (277).
Le Pape met en garde contre ''l’autisme technologique'' ''lorsqu’à l’heure du repas chacun est rivé à son téléphone cellulaire, ou quand l’un des conjoints dort en attendant l’autre qui passe des heures à jouer avec un dispositif électronique'' (278).
''Fréquemment l’éducation sexuelle se focalise sur l’invitation à ‘se protéger’, en cherchant du ‘sexe sûr’. Ces expressions traduisent une attitude négative (…), comme si un éventuel enfant était un ennemi'' (283).
''Je voudrais exprimer, de façon spéciale, ma gratitude à toutes les mères qui prient constamment, comme le faisait sainte Monique, pour leurs enfants qui se sont éloignés du Christ'' (288).

Dans le chapitre 8, le Pape appelle à accompagner, discerner et intégrer la fragilité, à savoir les situations dites ''irrégulières''.

Jésus a accompagné avec délicatesse la Samaritaine de qui l’homme avec lequel elle vivait n’était pas son mari (294). Il se présente comme le Pasteur de cent brebis et non de 99 (309). La route de l’Eglise doit être celle de la miséricorde et de l’intégration (296), de l’inclusion et non de l’exclusion pourrait-on dire. Il s’agit de rejoindre le vécu de chacun pour l’inviter au pas qu’il peut faire. C’est la loi de la gradualité que proposait saint Jean-Paul II (295).

Il s’agit aussi d’intégrer dans la vie de la communauté ecclésiale, en évitant toute occasion de scandale (299), mais en aidant aussi les fidèles à entrer dans une logique de compassion (308). ''Jésus attend que nous renoncions à chercher ces abris personnels ou communautaires qui nous permettent de nous garder distants du cœur des drames humains'' (308). Cette intégration est nécessaire aussi pour l’éducation chrétienne des enfants (299). ''Personne ne peut être condamné pour toujours. Ce n’est pas la logique de d’Evangile'' (297). ''Bien entendu, si quelqu’un fait ostentation d’un péché objectif comme si ce péché faisait partie de l’idéal chrétien, ou veut imposer une chose différente de ce qu’enseigne l’Eglise, il ne peut prétendre donner des cours de catéchèse ou prêcher, et dans ce sens il y a quelque chose qui le sépare de la communauté'' (Ibid.).

Les situations dans lesquelles se trouvent les divorcés engagés dans une nouvelle union sont très différentes. Il s’agit de discerner, distinguer les situations, porter sur elles un regard différencié. En raison de la grande diversité des situations concrètes, ne pouvait être attendu du Synode et de cette Exhortation une loi générale mais un appel au discernement responsable. Ce discernement qu’ont pour mission les pasteurs ne pourra jamais s’exonérer des exigences de l’Evangile et de l’enseignement de l’Eglise ou encore des orientations de l’Evêque. Mais il peut conduire à ce que les effets d’une norme ne soient pas toujours les mêmes (300), y compris en ce qui concerne la discipline sacramentelle (note 336). Le Pape est bien conscient des dérives possibles: un prêtre qui concède rapidement des exceptions, un discernement qui conduit à penser que l’Eglise a une double morale (300). Mais il ajoute: ''je comprends ceux qui préfèrent une pastorale plus rigide qui ne prête à aucune confusion. Mais je crois sincèrement que Jésus Christ veut une Eglise attentive au bien que l’Esprit répand au milieu de la fragilité: une mère qui, en même temps qu’elle exprime clairement son enseignement objectif, ne renonce pas au bien possible, même si elle court le risque de se salir avec la boue de la route'' (308).

L’Eglise, poursuit le Pape, a une solide réflexion sur les circonstances atténuantes (cf. Catéchisme de l’Eglise catholique,2352). C’est pourquoi un jugement négatif sur une situation objective n’implique pas un jugement sur la culpabilité de la personne en question. La conscience des personnes doit être mieux prise en compte par la praxis de l’Eglise. Bien entendu il faut encourager la formation de la conscience (301-303).

''Il serait mesquin de se limiter à considérer si l’agir d’une personne répond ou non à une loi ou à une norme générale''. Saint Thomas d’Aquin l’enseignait déjà (304).
305. Un Pasteur ne peut se sentir satisfait en appliquant seulement les lois morales à ceux qui vivent des situations ''irrégulières'', comme si elles étaient des pierres qui sont lancées à la vie des personnes. C’est le cas des cœurs fermés, qui se cachent ordinairement derrière les enseignements de l’Eglise ''pour s’asseoir sur la cathèdre de Moïse et juger, quelquefois avec supériorité et superficialité, les cas difficiles et les familles blessées'' (…) A cause des conditionnements ou des facteurs atténuants, il est possible que, dans une situation objective de péché – qui n’est pas subjectivement imputable ou qui ne l’est pas pleinement – l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Eglise.
Note 351. Dans certains cas, il peut s’agir aussi de l’aide des sacrements.

Comprendre les situations exceptionnelles n’implique jamais d’occulter la lumière de l’idéal dans son intégralité (307). Cependant, outre la promotion du mariage chrétien, revient aux pasteurs le discernement pastoral de beaucoup de gens qui ne vivent plus dans cette situation (293).

Et le Pape François d’inviter, à la fin de ce chapitre, les fidèles qui vivent dans des situations dites irrégulières à s’approcher avec confiance de leurs pasteurs pour s’entretenir avec eux. ''Ils ne trouveront pas toujours en eux la confirmation de leurs propres idées ou désirs, mais sûrement, ils recevront une lumière''. D’inviter aussi les pasteurs à écouter avec affection et le désir d’entrer dans le cœur de leur drame ces personnes.

''Aujourd’hui, plus important qu’une pastorale des échecs est l’effort pastoral pour consolider les mariages et prévenir ainsi les ruptures'' (307). Cette phrase qui intervient vers la fin du chapitre 8 conduit aux quelques perspectives pastorales dont fait état le chapitre 6. Quels sont quelques-uns des grands défis pastoraux?

Annoncer l’Evangile de la famille. Les principaux acteurs de la pastorale familiale sont les familles elles-mêmes, qui manifestent que l’Evangile de la famille est joie. Cela implique qu’elles reçoivent la catéchèse et la formation voulue. Ceci vaut aussi pour les acteurs engagés dans la pastorale familiale, notamment les prêtres et les séminaristes. Une conversion missionnaire est nécessaire, dit encore le Pape. Il ne s’agit pas de s’en tenir à une annonce purement théorique. Il s’agit d’annoncer l’Evangile de la famille en partant des problèmes des gens et de montrer que cet Evangile répond aux attentes les plus profondes de la personne humaine.

Guider les fiancés sur le chemin de la préparation au mariage.
J’épingle deux éléments du paragraphe 206 qui me paraissent essentiels:
- Une plus grande implication de la communauté est souhaitable;
- La préparation au mariage doit s’enraciner dans l’itinéraire de l’initiation chrétienne.
Le Pape appelle encore à l’inventivité les pasteurs à l’occasion de la saint Valentin (les commerçants, eux, s’y entendent), ou encore à cette lucidité: ''beaucoup arrivent au mariage sans se connaître. Ils se sont uniquement distraits ensemble'' (210).

Accompagner dans les premières années de la vie matrimoniale.
Le oui qu’ont échangé les époux est le début d’un itinéraire (218). La présence de couples mariés ayant une certaine expérience à leurs côtés apparaît d’une grande importance (223). Souvent beaucoup de couples disparaissent de la communauté chrétienne après le mariage pour réapparaître à l’occasion d’un baptême, d’une communion ou de funérailles. Il y a lieu de saisir ces occasions. ''Aujourd’hui – dit encore le Pape – la pastorale familiale doit être fondamentalement missionnaire, en sortie, de proximité, au lieu de se limiter à être une usine de cours auxquels peu de personnes prennent part'' (230).

Eclairer les crises et difficultés.
235. Il y a des crises communes qui se produisent généralement dans tous les couples, comme la crise des débuts, lorsqu’il faut apprendre à rendre compatibles les différences et à se détacher des parents; ou la crise de l’arrivée de l’enfant, avec ses nouveaux défis émotionnels; la crise de l’allaitement, qui change les habitudes du couple; la crise de l’adolescence de l’enfant qui exige beaucoup d’énergie, déstabilise les parents et parfois les oppose l’un à l’autre; la crise du ''nid vide'', qui oblige le couple à se regarder de nouveau lui-même.
236. A celles-là s’ajoutent les crises personnelles qui ont des incidences sur le couple, ayant trait aux difficultés économiques, de travail, affectives, sociales, spirituelles.
237. Il est devenu fréquent que, lorsque quelqu’un sent qu’il ne reçoit pas ce qu’il désire, ou que ne se réalise pas ce dont il rêvait, cela semble suffisant pour mettre fin à un mariage. A cette allure, il n’y aura pas de mariage qui dure.
238. Chaque crise est comme un nouveau ''oui'' qui permet à l’amour de renaître fortifié, transfiguré, mûri, illuminé.
Le Pape évoque encore les vieilles blessures qui peuvent affecter le mariage (239-240). Il supplie ainsi les parents séparés:
245. Je supplie les parents séparés: ''Il ne faut jamais, jamais, jamais prendre un enfant comme otage ! (…) Qu’ils (les enfants) grandissent en entendant leur maman dire du bien de leur papa, bien qu’ils ne soient pas ensemble, et que leur papa parle bien de leur maman''. C’est une irresponsabilité de nuire à l’image du père ou de la mère avec l’objectif d’accaparer l’affection de l’enfant, pour se venger ou pour se défendre, car cela affectera la vie intérieure de cet enfant et provoquera des blessures difficiles à guérir.
C’est au paragraphe 250 que le Pape aborde la question des familles ayant en leur sein des personnes manifestant une tendance homosexuelle, ''une expérience loin d’être facile tant pour les parents que pour les enfants''. Enfin il évoque la mort d’un être cher et le veuvage, ''expérience particulièrement difficile''.

L’Exhortation se termine (chapitre 9) en énonçant quelques notes fondamentales de la spiritualité des couples et des familles.
Le Pape y dit notamment:
- que la spiritualité matrimoniale est celle du lien habité par l’amour divin;
- que les conjoints ne doivent pas chercher leur sanctification ailleurs. C’est l’un par l’autre qu’ils vont vers Dieu;
- que la famille est depuis toujours l’hôpital le plus proche où l’on reçoit des soins;
- enfin qu’il importe que le cercle familial s’ouvre surtout aux pauvres et aux abandonnés. La famille est une Eglise domestique mais encore une cellule vitale pour transformer le monde.

† Pierre Warin

Questions pour un échange en groupe
Qu’est-ce qui me frappe dans ''Amoris laetitia''? En quoi le pasteur que je suis est-il interpellé
A l’issue du synode d’octobre 2015, lors de la conférence de presse au Collège belge de Rome, le cardinal Danneels a dit: ''La question n’est pas d’abord de savoir ce qui a changé. Mais bien de savoir qui est changé. Et la réponse est: l’Eglise''.
Lors de la conférence de presse au Centre interdiocésain de Bruxelles, le 8 avril dernier à midi – moment où a été rendue publique l’Exhortation du Pape –, Mgr Luc Van Looy, Evêque de Gand, a souligné que le texte révèle ''un véritable glissement'', ''un véritable changement paradigmatique'', et que le Pape François ''nous montre ici un autre visage d’Eglise''.
Commentez.
Au lendemain de la parution de l’Exhortation, quelles attentions devrait avoir la Pastorale des couples et des familles ?

Translate in English - Nederlands - Deutsch