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19/7/2016
A l'abbaye de Maredret, l'enluminure continue à traverser les siècles
L'enluminure et l'abbaye de Maredret, voilà une bien belle histoire. L'histoire de religieuses qui ne manquent ni de talent ni de patience pour perpétuer un art très ancien. Sr Bénédicte, mère abbesse, jongle avec des pinceaux d'une grande finesse et les couleurs qu'elle marie quasi à l'infini. Seul regret, Sr Bénédicte a de moins en moins de temps pour se consacrer à l'enluminure.
D'un pas alerte, Sr Bénédicte traverse de longs couloirs dont un qui surplombe l'abbaye, monte et descend des volées d'escaliers pour finalement arriver à son atelier. Sur un des murs de cette pièce, petit cocon dédié à l'art, une armoire soigneusement rangée. Sur les planches, des petites boîtes remplies de couleurs. Sr Bénédicte va les ouvrir les unes après les autres. Des couleurs qui ravivent autant de souvenirs liés à ces miniatures à qui elle a donné vie grâce à son talent et à ses pinceaux. Sur un comptoir, un joyeux capharnaüm: de très nombreux livres d'art. ''Je suis une copiste, je ne sais pas créer'', souligne la bénédictine. Et puis des enluminures entamées mais pas achevées. Elles sont soigneusement emballées; Sr Bénédicte les terminera dès que son emploi du temps lui laissera un peu – plus – de liberté...
Un petit bureau encore sur lequel sont posés des pots et encore des pots pour l'eau, les pinceaux... Sr Bénédicte s'installe et immédiatement son sourire s'élargit encore. Visiblement, l'enluminure lui manque. Elle laisse son regard vagabonder au-delà de la fenêtre: des prairies, des arbres... s'étendent à perte de vue. ''Régulièrement, il faut lever les yeux de l'enluminure pour regarder par la fenêtre: cela fait du bien aux yeux et en plus ça aide pour la concentration.''
''Il y a longtemps que je ne suis plus venue ici'', lance, un rien nostalgique, Sr Bénédicte. ''Je ne peux pas venir rien que pour une heure de temps. J'aurais à peine le temps de préparer les couleurs et de me replonger dans le travail que déjà il faudrait tout arrêter.''

Travail de nuit!
Sr Bénédicte est d'origine française. Cela fait bien longtemps maintenant qu'elle a quitté son Alsace natale pour Maredret. Cela fait aussi bien des années qu'elle s'est lancée dans l'enluminure. Un art que les moniales de Maredret, des contemplatives, exercent depuis quasi toujours. Il y a d'abord eu Sr Agnès Desclée, mère abbesse, qui aimait le dessin. Elle s'est perfectionnée à Solenne avant de recevoir les conseils du Père Blanchon. Nous sommes alors à la fin du 19ème siècle, en 1893 précisément. Sr Agnès collabore avec les moines de Maredsous, des ''voisins''. Ces derniers ont des documents importants que la religieuse va recopier minutieusement bientôt aidée par quelques bénédictines. ''Elles travaillaient la nuit pour arriver à tout faire'', ponctue l'actuelle mère abbesse.
L'arrivée de Sr Marie-Madeleine Kerger, elle aussi Française, va très vite dynamiser l'atelier. Parmi les documents que les moines confient pour être recopiés, des bréviaires de l'époque médiévale. Des recueils de toute beauté.
Toutes celles qui ont maîtrisé et qui continuent, aujourd'hui encore, à maîtriser cette discipline sont des artistes. ''Je ne sais pas si je suis une ‘enlumineuse’ ou encore une ‘enlumineure’'', avance, tout sourire, la mère abbesse. ''Ce que je sais, c'est que je fais des enluminures.''

L'enluminure, un art multi facettes
Il s'agit de recopier des textes - le plus souvent anciens - d'une calligraphie soignée. Les lettrines, lettres initiales du premier mot de chaque chapitre du manuscrit, font aussi partie de l'enluminure. La lettrine va ainsi s'enjoliver de rinceaux d'acanthes ou encore de scènes religieuses, des miniatures. Un travail tout en délicatesse avec des représentations de la Vierge, par exemple. Talent et patience ne font qu'un. Un travail ou plutôt un moment consacré à Dieu, quasi un temps de prière, qui demande une grande concentration.
Lorsqu'elle arrive à Maredret, en 1957, Sr Bénédicte savait dessiner, sans plus. ''Je recopiais les paysages de cartes postales. Papa aimait mes dessins. Il se contentait de me dire: 'c'est beau'. Lorsque je suis arrivée à l'abbaye de Maredret, la mère maîtresse m'a demandé de dessiner deux moines... Je ne savais pas trop comment faire. Pour ne pas gâcher du papier, j'ai dessiné sur une enveloppe. La mère maîtresse a été satisfaite. Elle a accroché l'enveloppe sur un tableau et m'a dit que j'irais désormais à l'atelier d'enluminure.''

Patience, patience...
Sr Bénédicte est émue de partager ces souvenirs. ''Je travaillais avec Sr Marie-Louise, une sœur qui était vraiment très bonne. Elle ne m'a jamais dit que ce n'était pas bien. Elle disait simplement: ‘La prochaine fois, tu feras autrement’. Son décès, en 1974, a été une grande souffrance. Avec Sr Agnès Emptinne qui était, avec moi, à l'atelier, nous nous sommes demandé ce que nous allions faire. Nous ne savions pas tout sur l'enluminure.''
Les commandes arrivent, comme cette demande d'un club de parachutistes qui souhaite offrir un diplôme à des membres. Il y avait le texte à calligraphier et à entourer d'une jolie frise de fleurs stylisées. Les deux artistes n'hésitent plus: elles se lancent. Elles ajoutent encore leur touche personnelle: un joli hibou est dessiné. Les clients sont satisfaits, les religieuses aussi.
Ensemble, les deux bénédictines qui ont repris confiance décident de poursuivre: l'atelier ne fermera donc pas ses portes. Elles répondent aux commandes - moins nombreuses - dont la plupart proviennent de familles qui souhaitent, par exemple, marquer par une enluminure la naissance d'un enfant. Les familles choisissent un texte, un extrait d'évangile, les bénédictines se chargent du reste. Autrefois, les religieuses consacraient beaucoup de temps à l'enluminure des missels d'autel. ''Ils ont tendance à disparaître, ce n'est plus à la mode'', ajoute, laconique, Sr Bénédicte.
Si vous souhaitez une enluminure, il vous faudra faire preuve de beaucoup de patience. Beaucoup plus rapide: acquérir les signets vendus au magasin. Les extraits d'évangile sont accompagnés d'enluminures nées du savoir-faire de la mère abbesse. Sr Bénédicte ne peut s'empêcher de les examiner les uns après les autres. L'offset est passé par là bien sûr et lui a bien facilité la vie! Le travail est soigné mais rien de comparable avec des enluminures réalisées sur parchemin. Elles sont présentées dans une des vitrines du magasin. Sr Bénédicte ne se lasse pas de les regarder. Peut-être s'interroge-t-elle sur l'avenir de l'enluminure... Elle anime régulièrement des ateliers ouverts aux sœurs comme aux laïcs. La relève semble donc assurée.
Christine Bolinne
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