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17/10/2011
TÉMOIGNAGE
Maurice Abel prêtre depuis 42 ans dans les favelas du Brésil
La paroisse de l'abbé Maurice Abel ne cesse de grandir. Il y a 40 ans, sa paroisse de Salvador, au Brésil, comptait 40.000 habitants. Aujourd'hui après redécoupage et arrivée massive de nouveaux habitants, elle en compte 100.000! Les favelas y poussent sur la moindre parcelle de terrain libre: les familles s'installent avec l'espoir que la vie sera meilleure en ville qu'à la campagne. C'est en juin 1969 que l'abbé Abel est parti au Brésil. Son frère Jean, lui aussi prêtre, l'y rejoindra. Chargé au départ de la formation des prêtres brésiliens, l'abbé Maurice Abel a animé la paroisse avant de coordonner les communautés écclésiales de bases chargées d'évangéliser. Et le travail est considérable. ''Si 70% des Brésiliens se disent catholiques, ponctue l'abbé, cela ne signifie pas qu'ils pratiquent: la situation est assez comparable à celle de la Belgique.''
Ne dites surtout pas à l'abbé Maurice Abel qu'il est, ici en Belgique, en vacances. ''Je travaille 24 heures sur 24! Je vais prêcher dans les paroisses. Je présente mes projets...'' L'espoir de l'abbé est bien sûr de récolter des fonds pour la ville de Salvador, au Brésil, où il vit depuis plus de 40 ans. Pour quelques jours encore, il a posé ses valises, dans le diocèse. Des valises lourdes de souvenirs, d'expériences...
Coincée d'un côté par la mer, la ville de Salvador ne peut se développer que vers l'intérieur des terres. Une croissance constante et anarchique. ''Les Brésiliens qui vivent à la campagne où les récoltent souffrent notamment de la sécheresse ont le sentiment que leur vie serait meilleure, en ville. Ils imaginent y trouver un travail...'' Des rêves tellement souvent déçus. Malgré toutes ces années passées dans le pays le plus vaste de l'Amérique Latine, l'abbé Abel reste impressionné par ce qu'il appelle les ''commandos de l'espoir''. En quelques heures, des centaines de familles arrivent ensemble de l'arrière-pays et colonisent un bout de terrain laissé libre. Une favela de plus est née: des planches, des bouts de tôle forment l'abri familial. Et c'est ainsi que Salvador ne cesse de croître.
''La violence est très importante dans cette région du Brésil cela vient des trafiquants de drogue. A plusieurs reprises, alors que je célébrais la messe, raconte l'abbé Maurice Abel, des coups de feu ont claqué. Ces règlements de compte entre gangs sont très impressionnants. Je comprends que le soir, les gens n'osent plus sortir...''
Une manière de vivre bien différente de celle de son enfance passée à Emptinne puis à Namur auprès d'un père instituteur et d'une maman qui s'occupait de ses six enfants. ''Nous avons été élevés dans une famille profondément chrétienne qui avait du respect pour le prêtre. Le prêtre constituait un idéal dans l'univers chrétien qui était celui de ma famille.'' Un oncle jésuite, très souvent en voyage dans le monde, emmène lorsqu'il est de passage en Belgique, le petit Maurice visiter des expositions consacrées aux missions en Inde, en Syrie... Le monde s'ouvre pour l'enfant. Lorsque le curé de la paroisse annonce qu'il part, en Bolivie, pour poursuivre son ministère, Maurice Abel s'ouvre, cette fois, à l'Amérique latine. A 8 ans, quand on lui demande ce qu'il fera plus tard, il répond sans l'ombre d'une hésitation: ''Je serai prêtre missionnaire.''

Un prêtre pour 10.000 habitants
Quelques années plus tard, comme son frère, il concrétise son rêve de devenir prêtre. Il se forme au Séminaire Léon XIII à Louvain. C'est à quelques pas de là que s'ouvrira le collège pour l'Amérique latine où son frère étudiera. A cette époque, le pape rappelait aux évêques qu'il y avait un travail important à mener dans les diocèses mais qu'il était aussi bon d'envoyer des prêtres ailleurs là où les besoins étaient énormes. ''Début des années 60, on disait qu'il y avait, chez nous, 1 prêtre pour 700 habitants. En Amérique latine, un seul prêtre avait en charge 10.000 habitants. Il n'était plus question de s'interroger, je savais où je devais aller.''
Le départ ne sera pas pour autant immédiat. Ordonné à la cathédrale de Leuven en 1962, l'abbé Abel demande à travailler en paroisse avant de reprendre des études en vue d'un doctorat. ''Il n'y avait pas assez de professeurs, je savais qu'on allait me demander d'enseigner...'' Un court passage de quelques mois à Saint-Servais avant de se replonger dans les syllabus et la théologie. ''Ma famille a été admirable. Il n'y a jamais eu la moindre restriction, ils ont respecté mon désir et celui de mon frère de partir loin de chez eux. Ils voyaient que nous étions heureux, ils acceptaient notre départ dans la foi.''

Former les futurs prêtres
Le premier à partir sera donc Maurice. ''Je suis arrivé à Rio, raconte l'abbé Abel. J'y ai séjourné un mois le temps de mettre mes papiers en ordre et d'attendre mes bagages, principalement des livres, qui voyageaient eux par bateau. J'ai aussi pu me familiariser avec le portugais. Les quelques rudiments acquis en Belgique ont été très vite insuffisants. L'apprentissage s'est avéré être moins difficile que ce que je pensais.'' Il s'est lancé en enseignant la théologie à de futurs prêtres, des jeunes d'une vingtaine d'années venus de tout le pays. Fin 1970, son frère Jean le rejoindra. Lui aussi a pour mission d'enseigner aux séminaristes.
A un moment, les deux prêtres belges n'ont plus pu mener de front un travail d'enseignant et une gestion de paroisse. L'évêque a donné la préférence à la paroisse: chaque frère gère, dans le même diocèse, sa paroisse. L'abbé Maurice Abel parle avec beaucoup de chaleur des soeurs noires de Bruges. Des religieuses installées au Brésil et spécialisées dans les soins aux personnes. Elles ont mené un travail énorme d'évangélisation. Aujourd'hui, l'abbé Maurice Abel tout comme son frère Jean coordonne les unités ecclésiales de base qui sont en place dans les bidonvilles. Des petites communautés se mettent en place autour d'un animateur, un habitant de la favela, pour donner la catéchèse, faire connaître l'évangile. ''Ce sont des communautés très vivantes, très fraternelles. Ils se soutiennent entre eux. Les Brésiliens sont avides de la Parole de Dieu. Ils veulent savoir en quoi elle va changer leur quotidien.''

''Ce peuple m'a tellement aidé''
L'abbé Abel n'hésite pas à dire que les Brésiliens l'ont aidé, lui, dans sa foi. ''Je me suis rendu compte que beaucoup d'entre nous se constituent des carapaces intellectuelles. Avec eux, il faut décaper et encore décaper, c'est comme enlever les couches de couleur d'un escalier pour retrouver le bois. Il faut confronter sa vie à l'Evangile sans chercher les complications. Ma foi est nourrie par eux. L'Evangile est l'élément spécifique indispensable au développement d'un peuple.''
L'abbé Abel a aussi découvert qu'au Brésil social et église ne sont jamais éloignés l'un de l'autre: les campagnes de vaccination ont ainsi lieu dans les églises. L'Unicef mène un travail très important pour lutter contre la mortalité infantile. ''Dans ma paroisse, on se mobilise beaucoup pour les personnes handicapées pour leur permettre d'avoir des béquilles, un fauteuil roulant... Les handicapés sont vraiment les pauvres parmi les plus pauvres.''
L'abbé Abel, ému: ''Mon désir est d'ailleurs de terminer ma vie là-bas. Jusqu'à présent, j'ai passé 42 ans au Brésil bien plus qu'ici en Belgique. Je suis reconnaissant à ce peuple joyeux, attachant ,qui m'a aidé dans ma foi. Je suis convaincu que j'ai reçu beaucoup plus des Brésiliens que ce que j'ai pu leur donner.''
Christine Bolinne

Pour développer ses projets, l'abbé Abel a besoin de moyens. Si vous souhaitez l'aider, vos dons peuvent être effectués sur le compte 000-0476971-22

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