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20/11/2010
L'abbé Stréber: ''Avec moi, le détenu a une relation d'homme à homme''
On pourrait dire de l'abbé Fernand Stréber qu'il est l'homme des paradoxes. Lui qui reconnaît ne pouvoir vivre qu'en dehors de la ville passe plusieurs heures par semaine derrière les hauts murs de la prison de Namur où il est aumônier. Lui qui semble si fragile, presque vulnérable, est confronté à des hommes et à des femmes à la dérive, en pleine souffrance, en révolte. ''C'est en prison, en côtoyant les détenus, que j'ai découvert ce que voulait dire le mot haine, explique l'abbé Stréber. Heureusement, quand j'entre dans la prison, je sens que je ne suis pas seul: l'Esprit de Dieu est là pour me guider vers ceux et celles qui ont, ce jour-là, encore plus besoin de moi''.
Comme chaque fois qu'il assure sa mission d'aumônier à la prison de Namur, l'abbé Fernand Stréber fait le tour de la maison d'arrêt. Il passe dans toutes les ailes, salue les uns et les autres, parle avec les gardiens... ''C'est ce que j'appelle prendre l'ambiance de la maison. J'apprends toujours quelque chose.'' En faisant sa tournée, l'abbé Stréber a eu, ce matin-là, son attention attirée par un homme prostré. Un homme qu'il avait l'habitude de rencontrer, en cellule. Il venait d'être transféré dans l'aile psychiatrique. L'homme lui dit tout de go être en dépression. C'est à ses côtés que l'abbé Stréber choisira de passer de longues minutes. ''Pour moi, ce n'est pas un hasard d'avoir porté mon regard vers l'endroit où cet homme s'était réfugié. Quand je suis dans la prison, je me sens guidé, accompagné.''
Pour répondre, au mieux, aux attentes des détenus, l'aumônier a travaillé de longues semaines avec son prédécesseur. Il a appris comment se comporter. Il s'est encore formé à l'écoute avant de se lancer. ''Quand je rencontre un détenu, je ne lui demande pas s'il a la carte d'un parti politique, précise l'aumônier. Il n'y a pas plus de raison que je lui demande s'il a la foi ou pas. Je le laisse parler et je rebondis en fonction de ses paroles. Je ne leur demande jamais pourquoi ils sont en prison. Certains le disent d'autres pas. Mais je comprends très vite s'ils sont là pour des faits de drogue, de pédophilie, d'escroquerie... Par contre, je tente de comprendre les causes de leur arrivée en prison''. Un confident tenu au secret. ''Ils savent que l'aumônier, c'est la Suisse de la prison'', ajoute en boutade, l'abbé.

''Je rêve de la prison''
Les détenus demandent régulièrement aux gardiens ou encore à leur avocat pour rencontrer un prêtre. Aujourd'hui, c'est aussi possible, pour répondre aux convictions de chacun, de rencontrer un pasteur, un imam, un conseiller moral. Sur son agenda, l'abbé Stréber a écrit, au regard d'un nom, quelques mots. Juste pour l'aider à se rappeler l'histoire de ces hommes et de ces femmes. ''Déjà à l'école, j'avais une mauvaise mémoire. Ici, cela me sert car je dois me protéger moi-même contre les choses atroces que l'on me raconte. Le trajet qui me sépare de la prison à mon presbytère m'aide déjà à décompresser. Une fois chez moi, je vais courir pendant une heure ou je jardine. Je dois me vider la tête.''
Des détenus qui ne quittent jamais vraiment l'univers de l'abbé Stréber. Il reconnaît, bien simplement, rêver régulièrement de la prison et de ses occupants. Un monde très présent voire oppressant. ''Je n'ai jamais eu peur en prison. Je pense que le jour où cela arrivera, il sera temps d'arrêter.
En devenant aumônier de prison, je me suis remis en question, ajoute l'abbé. En côtoyant la souffrance, j'ai approfondi encore ma foi. A chaque visite, je vois des hommes pleurer. Certains sont de véritables lavettes, ils vivent la privation de liberté comme une vraie humiliation. J'essaie de les aider en étant là. Je sens que, comme chrétien, j'ai ma place en prison. Depuis toutes ces années, je n'entends plus le bruit des portes qui s'ouvrent et se referment sur mon passage. Par contre, je ne me suis jamais habitué à voir des landaus ou des poussettes dans l'aile des femmes. Ça c'est vraiment très dur.''

Un homme rencontre un autre homme
''Par ma manière d'être, je me considère comme un témoin de l'Evangile. Dans une prison, je suis le seul avec qui le détenu peut avoir une relation d'homme à homme. Lorsqu'il rencontre son avocat, il est le client. Quand il se retrouve dans le cabinet du juge d'instruction, c'est comme prévenu. Quand il va chez le médecin, il est le patient. Avec moi, c'est différent. Ils sont nombreux à me dire: 'Fernand, on t'attendait. Tu es le rayon de soleil de notre journée'. J'ai toujours une farde avec moi. Elle contient des textes, des prières. Je n'hésite pas à leur en remettre pour qu'ils y réfléchissent qu'ils les méditent. Une détenue m'a demandé un chapelet, je viens de lui en donner un. Avec les détenus, je prie beaucoup les psaumes. Je le fais par goût et non par obligation. Les psaumes ont souvent été écrits dans des situations de détresse, ils parlent beaucoup aux gars. Certains m'ont déjà dit: 'mais c'est ma vie qui est là dedans.'''
Chaque semaine, en prison, l'abbé Stréber célèbre plusieurs messes: au moins une pour les détenus et une autre pour les détenues. ''Ils sont nombreux à participer à l'Eucharistie. Et pour eux, la messe n'est jamais assez longue!''
A cette vie chargée tant physiquement que psychologiquement, l'abbé Stréber ne se voit pas renoncer de sitôt. ''Je serais déçu si on me demandait d'arrêter.'' Il est aussi, à mi-temps, aumônier régional francophone. Nommé par la conférence épiscopale francophone, il coordonne ainsi les différentes équipes d'aumônerie en francophonie. Il veille également sur la formation des membres des équipes... Un travail très prenant auquel vient s'ajouter celui qu'il assure dans sa paroisse. Heureusement, cet enfant de Laneuville, un petit village de Libramont, a de l'énergie à revendre et un optimisme débordant.
Christine Bolinne
Photos: V.L.

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