Christian Van den Steen est connu de milliers d'élèves qui l'ont eu comme professeur de religion. Son nom est aussi associé à quelques publications aux éditions jésuites pour lesquelles il a écrit en tant que bibliste mais aussi comme spécialiste de Beauraing. Et pour cause! Il est le fils et le neveu d'Andrée et Gilberte Degeimbre, deux sœurs témoins des apparitions de la Vierge, au début des années 30, dans cette petite ville de la province de Namur. A quelques jours de la fête de l'Assomption, Christian Van den Steen témoigne de l'importance de cette date du 15 août: ''C'est la première fête que l'Eglise a célébré aux premiers siècles du christianisme, malgré tous les débats théologiques autour de Marie, mère de Dieu.'' L'homme aujourd'hui âgé, se souvient des festivités à Beauraing auxquelles il participait volontiers, ''beaucoup plus facilement que le pèlerinage international qui avait lieu habituellement la semaine suivante et où nous nous sentions un peu noyés dans la foule'', reconnaît-il. L'Assomption de Marie est d'autant plus importante à ses yeux qu' ''elle montre le chemin que nous avons tous à suivre, retrouver Dieu, Marie et les saints après la mort pour vivre une vie nouvelle''. Sa mère, Andrée, qui était l'aînée des enfants ayant vu la Vierge à Beauraing, confiait aussi: ''Je me réjouis de mourir. Quand je serai au paradis, je verrai la Vierge.''

Une présence plus qu'un message
Marie joue un rôle important dans la vie de cette famille Degeimbre. Christian Van den Steen raconte: ''Ma mère, à chaque occasion possible, nous racontait ce qu'elle avait vu et entendu. Elle parlait surtout d'une présence plutôt que d'un message.'' La présence de la Vierge qu'elle avait vue entre novembre 1932 et janvier 1933 l'avait complètement transformée. ''Entendre sa propre mère parler d'une Dame qui vient de l'au-delà et qui est d'une beauté exceptionnelle'', m'a frappé quand j'étais enfant… ''Ma mère était elle-même transfigurée par cette beauté.''
Andrée et Gilberte ainsi que les enfants Voisin qui ont vu Marie sur le pont de chemin de fer à Beauraing ont gardé l'intuition que c'est la Dame qui les a découverts en ce lieu. C'est Elle qui a ''contribué à avoir une relation avec les enfants en trente-trois occasions'', selon les mots de Christian Van den Steen.
''Il me paraît tellement naturel que, depuis ma petite enfance, ma mère parlât de ce qu'elle avait vu'', poursuit le fils d'Andrée Degeimbre.
Les souvenirs sont moins forts du côté de sa tante, Gilberte, qui a longtemps vécu en Italie. Ce n'est qu'à son retour en Belgique que cette dernière voyante a porté haut et fort son témoignage en laissant un récit écrit intitulé Le dernier coup de sonnette (titre paru aux éditions Fidélité, 2019).
Mais revenons à Andrée qui, jusqu'au bout de sa vie, s'est fait un devoir de venir prier la Vierge à 18h30 (heure des apparitions), souvent seule puisque les autres voyants (ou témoins de ce qui s'est vécu en 1932-33) étaient disséminés en plusieurs autres villes. Cette piété mariale s'est reproduite à la génération suivante. Christian Van den Steen, fils aîné d'Andrée Degeimbre, a été incité dès l'enfance à réciter ''Je vous salue Marie'', dans la cour de récréation ou au cours d'un camp scout. Cette prière est encore aujourd'hui très présente dans sa vie, y compris pendant les insomnies. ''C'est une présence permanente'', confie-t-il.

Ce qui guide notre vie
A ceux qui penseraient que cette dévotion mariale est naturelle chez les cinq enfants qui ont vu la manifestation de Marie, il est utile de resituer le contexte. Gilberte Degeimbre décrit dans son livre l'hostilité de leur mère pendant les apparitions, craignant que ses deux filles, Andrée et Gilberte, soient entachées de ridicule. Le climat semblait plus compréhensif dans la famille Voisin où Fernande, Gilberte et Albert pouvaient compter sur le soutien de leurs parents. Après la fin des apparitions, selon le récit de la plus jeune des voyantes, ''vinrent les années difficiles. La 'Cause de Beauraing' ne progressait pas. Nous avions promis une chapelle, mais le clergé restait 'prudent'. En haut lieu, on ne disait ni oui ni non !'' Christophe Rouard, le recteur actuel du sanctuaire, résume les dates d'avancée de ce dossier: ''Le culte a été autorisé en 1943. Mgr Charue a reconnu l’authenticité des faits en 1949. Une chapelle a été construite pour répondre à la demande formulée par Marie le 17 décembre 1932, et inaugurée en 1954. D’autres lieux de cultes ont été édifiés. L’un d’entre eux a été érigé au rang de basilique mineure le 22 août 2013'' (Le dernier coup de sonnette, préface, page 16).
Christian Van den Steen a subi lui aussi le scepticisme de certains professeurs pendant ses études en humanités. La réticence de membres de l'Eglise locale s'est manifestée en plusieurs occasions, y compris dans la vie privée des enfants devenus adultes. Christian Van den Steen raconte notamment que ''beaucoup de lettres ont été envoyées à ma mère alors qu'elle avait 17, 18 ou 19 ans. A l'époque, elle semblait fréquenter quelqu'un de son âge et le clergé s'est imposé dans sa vie, voulant lui interdire de le faire. On espérait la 'récupérer' pour en faire une excellente religieuse.'' Andrée Degeimbre s'est néanmoins mariée en 1941, à une heure très matinale et sans festivités. De cette union, trois enfants sont nés dont Christian est l'aîné.

Au-delà des frontières
Les cinq témoins des apparitions de la Belle Dame sont aujourd'hui décédés. Il ne reste que les générations suivantes pour évoquer ce qui s'est produit au début du siècle dernier. Christian Van den Steen accepte volontiers le rôle d'héritier porteur du message: ''Je cherche toujours l'occasion de parler pour qu'on sache qu'il y a eu à Beauraing quelque chose d'important. Ce message déposé par la Vierge ne se réduit pas à une région entre frontières.'' Ce rôle de porte-parole a commencé lors du vivant de sa tante Gilberte Degeimbre. Il a réceptionné le manuscrit de ses souvenirs et en a assuré la publication posthume. Christian Van den Steen a également travaillé sur un fond d'archives impressionnant, reprenant près de 4.000 lettres adressées à Andrée et Gilberte entre la période des apparitions (1932) et la guerre (1943). Ces correspondances montrent une variété de demandes qui va des intentions de prière, des neuvaines, etc. Certains courriers osaient même demander de recevoir en retour une feuille de l'aubépine, comme si la plante portait en elle un parfum de la Vierge apparue à Beauraing.
Ce qu'Andrée et Gilberte Degeimbre, ainsi que Fernande, Gilberte et André Voisin, ont vu et entendu à cette époque continue d'avoir un impact profond sur la vie des familles concernées et même au-delà. ''Est-ce vrai que vous serez bien sages?'' aurait demandé la Vierge, selon le récit de la plus jeune des voyantes. D'une certaine manière faite de discrétion et de fidélité à la parole de Marie, les voyants ont tenu cette promesse d'être sages. ''Un sage, c'est quelqu'un qu'on écoute non pas forcément pour ce qu'il dit, pour ce qu'il est et ce qu'il fait'', résume Christian Van den Steen en s'inspirant du livre de la Sagesse. Rappelons que le fils et neveu des enfants Degeimbre s'est formé à l'exégèse et a exercé comme professeur de religion.
Nous lui laissons le mot de la fin pour résumer la bonne nouvelle de Beauraing: ''Si on croit que la Vierge est venue prendre contact avec l'humanité dans la simplicité en la personne de cinq enfants, alors nous sommes sauvés. Le Ciel n'est pas seulement une idée théologique vague et floue.''
Anne-Françoise de Beaudrap
(avec Manu Van Lier)
Journal Dimanche - Cathobel

Gilberte Degeimbre, ''Le dernier coup de sonnette''. Editions Fidélité, 2019

Christian Van den Steen est le fils d'Andrée Degeimbre, l'une des cinq voyantes de Beauraing.