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17/6/2020
L’eucharistie est le pain des pécheurs qui crient vers Dieu
Dans les évangiles, la multiplication des pains est rapportée de telle sorte qu’on pense à l’eucharistie. Les six récits de la multiplication des pains qu’on y trouve sont tous calqués sur celui de l’institution de l’eucharistie. Chaque fois, le geste de Jésus multipliant les pains, qui est le cœur du récit, est rendu en des termes qui sont ceux du repas eucharistique.
Saint Jean propose moins d’évènements de la vie de Jésus que les Synoptiques, mais régulièrement les évènements qu’il relate, il les fait suivre d’un discours ou d’un dialogue en éclairant la signification. Or la multiplication des pains est suivie chez lui par le long discours sur le pain de vie à la teneur nettement eucharistique.
Il y a, nous disent de concert les évangélistes, et plus particulièrement le quatrième, un lien très réel entre la multiplication des pains et l’eucharistie. Quand vous lisez la première, pensez à la seconde, faites le rapprochement avec l’eucharistie.
Quand on lit la multiplication des pains sous l’angle de l’eucharistie, on découvre d'abord une foule immense et affamée (c’est par cette mention que commence le récit) et on se dit que l’eucharistie a quelque chose à voir avec ceux qui ont faim.
Autrefois on insistait beaucoup sur les bonnes dispositions nécessaires pour recevoir le pain eucharistique, et on brandissait le spectre d’une communion sacrilège, au risque d’en faire le sacrement non plus de l’amour (lat. amor), mais de la terreur (lat. terror). Aujourd’hui existe un réel danger de banalisation. Néanmoins il me semble plus juste d’inviter à s’approcher du pain eucharistique – tout en encourageant à recevoir dès que possible le sacrement de la réconciliation – s’il y a faim de Dieu, volonté réelle de communier avec le Seigneur, quand bien même aurait-on commis de vilains péchés. Il ne faudrait pas empêcher les pécheurs de venir à Jésus qui s’est fait leur ami. L’eucharistie, ce n’est pas du gâteau, une récompense pour enfants sages, mais du pain pour la route. Dans son Exhortation apostolique Evangelii Gaudium, le pape François, se référant à saint Ambroise, souligne que l’eucharistie « n’est pas un pain destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles » (47 ; cf. aussi Amoris Laetitia, note 351).
L’eucharistie est le pain des pécheurs qui crient vers Dieu. Ce n’est pas un hasard qu’au début de chaque célébration eucharistique, nous soyons invités à nous reconnaître pauvres et à crier ainsi vers Dieu : « Seigneur, prends pitié. » Mais l’eucharistie, ce n’est pas seulement le pain des pécheurs qui crient vers Dieu, le pain des affamés dans un sens spirituel. C’est aussi le pain des affamés matériellement parlant. Du reste les affamés de la multiplication des pains ont faim de pain matériel. L’eucharistie que nous célébrons a quelque chose à voir avec ceux qui souffrent de la faim.
La faim touche 815 millions de personnes dans le monde. Même chez nous la pauvreté se porte comme un charme. En Wallonie un enfant sur quatre est pauvre. L’eucharistie a quelque chose à voir avec cela.
Un riche et un pauvre soutenaient de leurs deux mains leur ventre ballonné.
 J’ai trop mangé, dit l’un.
 J’ai trop faim, dit l’autre.
 Aurais-tu un remède pour moi ?, dit le riche.
 Bien sûr, répondit le pauvre, faisons table commune.
L’eucharistie a tout à fait à voir avec cela. Il faut se rappeler ici comment, dans la deuxième partie du chapitre 11 de la Première aux Corinthiens, saint Paul les reprend. Il leur reproche que, dans les repas pris en commun à l’occasion de la célébration de l’eucharistie, l’un a faim tandis que l’autre mange et boit jusqu’à en être ivre.
Nous célébrons mal l’eucharistie si elle n’inclut pas les misères et les miséreux. Il faut que nos messes soient des messes sur le monde.
Je pourrais relire tout l’épisode de la multiplication des pains en faisant chaque fois le rapprochement avec l’eucharistie. Je relève simplement cette précision (que Jean ne donne pas) : ce n’est pas Jésus qui remet en mains propres les pains multipliés aux gens, mais Jésus par les apôtres. Eux radicalement impuissants devant la foule à nourrir, reçoivent dans leurs mains le pain qui rassasie à satiété : on remplit sept corbeilles, douze paniers disent d’autres récits, avec les morceaux qui restent. Les deux nombres indiquent une plénitude ; on dirait aujourd’hui : 36 paniers.
On représente volontiers le Ciel vers lequel nous marchons comme une table où toute faim sera comblée. L’eucharistie, nous disent à l’unisson les quatre évangélistes, c’est en anticipation cette table-là, le banquet eschatologique où tout vivant est rassasié à satiété. L’eucharistie, c’est en anticipation le ciel nouveau et la terre nouvelle, où tout affamé se voit comblé. Que c’est démesuré de célébrer la messe ! Nous sommes là happés vers les accomplissements de Dieu.
+ Pierre Warin
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