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3/3/2016
Les inquiétudes du Père Ruquoy face à l'insécurité dans la brousse de Zambie
Le Père PIerre Ruquoy vous donne régulièrement de ses nouvelles. Il vient d'envoyer un long mail où il fait part de son inquiétude. Lui, le Scheutiste originaire de Ligny, qui a transformé un presbytère en orphelinat est inquiet. Et ce n'est pas uniquement parce qu'il a vu un serpent venimeux, un mamba noir, une vipère heurtante ou encore un cobra, dans sa chambre...
Voici maintenant cinq jours que je vis dans une certaine tension à cause d'une découverte très spéciale; ce soir-là, vers 20 heures, juste après le souper, je suis entré dans ma chambre afin de prendre un médicament. La boîte m'échappa des mains et tomba sur le sol juste à côté de mon sac à dos. Quand je voulus ramasser la boîte, je vis une espèce de gros tuyau brun foncé qui commença à se tortiller. Un serpent gigantesque! Je pris mes jambes à mon cou et je me mis à crier pour appeler quelques-uns de nos adolescents. Deux minutes plus tard, six jeunes garçons armés de bâtons, entrèrent dans ma hutte et se mirent à chercher mon hôte clandestin. Ils passèrent ma chambre au peigne fin et jetèrent un coup d'œil dans les moindres recoins. Ils déplacèrent tous les livres de la bibliothèque et ouvrirent tous les tiroirs de l'armoire. Mais ce fut en vain: aucune trace du monstre! Où s'était donc réfugié le dangereux reptile? Les habitants de l'orphelinat étaient convaincus que j'avais eu une hallucination à cause de la maladie de Parkinson. Mais le lendemain matin, après une nuit un peu difficile, sous le bureau, nous avons trouvé une espèce de pâté nauséabonde et noirâtre, laissée par le fameux animal. Il n'y avait pas de doute que le serpent vivait sous le même toit que moi. De nouveau, mes adolescents se mirent à la recherche du visiteur rampant mais comme la veille, il resta introuvable. Ça pouvait être une vipère heurtante, un mamba noir ou un cobra. Dans les trois cas, il s'agissait d'un serpent très venimeux. Les enfants en conclurent qu'il s'était échappé par un trou laissé par des rats derrière la bibliothèque. Je n'étais évidemment pas convaincu mais je dus me résigner à vivre dans ma chambre et peut-être, un jour, à me retrouver nez à nez avec cet animal dangereux et antipathique: il me fallait donc vivre dans une constante insécurité. Au moindre bruit, - par exemple quand deux ou trois petits lézards se mettent à gambader sur mes livres -, je sursaute en pensant au serpent.

Des secondes si précieuses
Cette expérience désagréable m'amena à réfléchir sur le manque de sécurité présente dans notre vie quotidienne ici dans la brousse de Zambie. Par exemple, hier un jeune visiteur se fit piquer par une espèce de grosse guêpe. Son corps tout entier réagit et commença à s'enfler. Dare-dare, nous l'avons transporté au petit dispensaire de Mulungushi Agro (le village où est établi notre centre) mais l'infirmier responsable n'avait aucun médicament pour ce genre d'allergie et nous rentrâmes bredouilles à l'orphelinat. L'état du jeune empirait à vue d'œil et il commençait à avoir des difficultés pour respirer. Il ne nous restait plus qu'une seule solution: transporter rapidement le malade à l'hôpital général de la ville de Kabwe avec notre camionnette. Malgré notre bonne volonté, il nous fallut presque trois heures pour arriver au centre de santé à cause du mauvais état de la piste. Grâce à Dieu, nous sommes arrivés à temps et une piqûre fut suffisante pour soulager le jeune malade. Quelques semaines auparavant nous n'avions pas eu la même chance. Ce jour-là, il était plus ou moins 18 heures; un couple de jeunes se présenta dans la cour de l'orphelinat en me suppliant de transporter leur bébé nouveau-né à l'hôpital de Kabwe. En voyant l'état du bébé, je décidai de ne pas perdre une minute et de partir immédiatement à la ville voisine. Nous sommes arrivés à l'hôpital en pleine nuit avec le bébé en vie mais cinq minutes plus tard il mourut dans les bras du médecin.

Quand la pluie se fait attendre
Je suppose que vous savez que dans la plupart des pays d'Afrique, la première cause de mortalité est la malaria. Cette maladie peut tuer en quelques heures; ici en Zambie, presque tout le monde a été secoué par cette maladie causée par des moustiques. Quand quelqu'un a une crise, il ne peut pas perdre de temps pour prendre les médicaments adéquats. Normalement tous les dispensaires et hôpitaux du pays disposent de remèdes contre la malaria. Cependant, la dernière fois que l'un de nos enfants montra des signes de malaria, l'infirmier de Mulungushi Agro était absent pour quelques jours et nous dûmes de nouveau voyager le plus rapidement possible jusqu'à la pharmacie la plus proche: trois heures de pistes pour aller et trois heures pour revenir!
L'insécurité n'est pas seulement présente au niveau de la santé mais aussi au niveau de l'économie. Depuis le 15 novembre jusqu'au début du mois d'avril, on devrait normalement être en saison des pluies. Mais la pluie a seulement commencé à tomber timidement après la Noël. Fin novembre, nous avions semé notre maïs mais ce fut peine perdue. Il nous fallut recommencer au début de cette année 2016. Cette expérience amère fut partagée par de nombreux fermiers de la région. Pour le moment, la Zambie vit une crise très profonde. L'insécurité alimentaire fait partie de la vie de presque tous les Zambiens et Zambiennes. Ce matin, je reçus un message de Boniface, l'un de nos orphelins qui, après avoir terminé ses études secondaires décida de se marier et de commencer sa vie d'adulte: ''Comment allez-vous Ba Pierre? S'il vous Plait, aidez-moi à trouver quelque chose à manger! J'ai faim!'' L'insécurité est aussi présente dans notre orphelinat. Nous avons de l'argent pour vivre jusqu'au mois d'août prochain. Nos bienfaiteurs sont de moins en moins nombreux et la récolte s'annonce pauvre par manque de pluie.

Et demain?
Au niveau plus personnel, j'ai l'impression que la maladie de Parkinson gagne peu à peu du terrain et que mes limites s'accroissent de plus en plus. Combien de temps pourrais-je encore diriger cet orphelinat? Qui prendra la relève? Que deviendront les enfants et les jeunes qui vivent ici avec moi? Jusqu'à présent toutes ces questions restent sans réponse et sont la cause d'une situation d'insécurité.
L'insécurité marque profondément la vie de tous les pauvres du monde. Pour eux, la présence amoureuse de Dieu dans leur vie est la seule chose sûre et certaine. La confiance absolue en Lui est ce qui les maintient debout. Si nous voulons être solidaires avec les pauvres et, comme religieux, assumer le vœu de pauvreté, peut-être devrions-nous accepter de vivre dans l'insécurité sans perdre la joie. Cela nous permettra de sentir plus intensément la main de Dieu qui ne se lasse pas de cheminer avec nous.
Père Pierre Ruquoy

Pour aider le Père Ruquoy: un uméro de compte BE 73250000249760.
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