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8/1/2013
Le Père Jacques Patout, jésuite, missionnaire, écrivain...
Missionnaire en Afrique pendant plus de 30 ans, le Père Jacques Patout a conduit là-bas toutes sortes de véhicules. Des voitures pour traverser en bac les rivières, mais également tous les types de moto: de la Honda 125 à la Harley Davidson, si difficile à manier dans les chemins de sable. De retour en Belgique, il y a 22 ans, c’est au vélo qu’il s’est mis. Encore récemment, on pouvait le croiser sur sa bicyclette, parcourant les rues de Namur et les bords de Meuse. Un loisir auquel il a dû renoncer provisoirement pour des raisons de santé. Aujourd’hui, ce Père jésuite originaire de Lessive revient sur son parcours en Afrique et en Belgique. Auteur de plusieurs livres de spiritualité, il se veut optimiste quant à l’avenir de l’Eglise… pourvu qu’elle puisse compter sur la collaboration des laïcs dont elle a besoin.
Quand on lui parle de l’Afrique d’aujourd’hui, des luttes fratricides et de la corruption de certains dirigeants, le Père Patout se montre bien sombre: ''L’état de l’Afrique me fait souffrir, explique-t-il. Il y a des régions où la barbarie est à l’état latent et où l’on vous coupe le bras parce que vous n’appartenez pas à telle ou telle ethnie.'' Près de son fauteuil, dans son appartement de la rue Grafé à Namur, plusieurs livres sont entassés, dont un qui retient immédiatement l’attention: ''Congo, une histoire'', de David Van Reybrouck. Dans cet ouvrage, vendu à plus de 250.000 exemplaires, l’auteur dresse un portrait parfois pessimiste de ce pays que le Père Patout connaît si bien.

En brousse, en paroisse, dans l’enseignement…
Si son père spirituel le voyait entrer au monastère de Maredsous, Jacques Patout, lui, a su très tôt qu’il serait jésuite missionnaire. C’est le scoutisme qui lui a donné le goût des autres. Après une première expérience au Congo comme éducateur dans un collège, il y retourne en 1957 pour être ordonné prêtre par l’évêque de Kikwit. Mais sa vraie mission au Congo, c’est en 1959 qu’elle commence. La première année se passe dans la brousse, dans le Congo profond. Il voyage alors de village en village, fréquentant les sept centres spirituels de la région: des lieux de rassemblement pour la messe, mais aussi des endroits de catéchisme ou de préparation au baptême. Le Père Patout se souvient qu’il était le seul prêtre sans barbe des environs, et qu’il passait parfois plus de huit heures par jour pour assurer les confessions du temps de Pâques.
Après cette première expérience de terrain, Jacques Patout est envoyé à Kikwit, la ville principale de la province du Bandundu, où il sera vicaire pendant 20 ans. Là-bas, de nombreuses activités l’occupent, dont la fondation d’une sous-paroisse, à deux kilomètres de la cathédrale. Un lieu qu’il va s’efforcer de faire rayonner, et qui deviendra d’ailleurs une vraie paroisse, dynamique et vivante. Et puis il y a l’enseignement. En tant que professeur de français à l’athénée de Kikwit, il rencontre de nombreux élèves, de ''grands gaillards'' de plus de 20 ans, étudiants en pédagogie, regroupés dans des classes de parfois plus de 50 élèves.

L’indépendance du Congo et la vie en communauté
Au Congo, le Père Patout a vécu les temps de paix, mais aussi les périodes de trouble qui ont précédé et suivi l’indépendance. S’il ne s’est jamais vraiment senti en danger, il évoque tout de même le souvenir de trois pères missionnaires, tués dans le sud du diocèse où il était établi. Et puis il a été témoin des violences matérielles: les portes de la cathédrale incendiées, les fenêtres cassées… En 1964, en pleine rébellion, on lui apprend la mort de son papa en Belgique: ''On m’a dit qu’il fallait que je reste au Congo, se souvient-il. Sans quoi les habitants auraient cru à ma fuite. Ce n’est que quelques mois plus tard que j’ai pu me recueillir sur la tombe de mon père.''
Au début des années 80, le Père Patout manifeste le désir de se rapprocher d’une communauté jésuite. Son évêque accepte mais lui propose un défi préalable: une nouvelle année de brousse, dans des villages parfois très pauvres. Ceci fait, il intègre le collège jésuite de Sadisana, toujours dans la région de Kikwit, où il est professeur de français et vicaire d’une nouvelle paroisse. Il reste là-bas pendant 10 ans, jusqu’à ce que les premiers soucis de santé se manifestent: des problèmes aux jambes et des pertes d’équilibre. En 1990, Jacques Patout doit rentrer définitivement en Europe.

De retour en Belgique, toujours en contact avec le Congo
Voilà donc 22 ans qu’il est de retour dans sa Belgique natale, et ce ne sont pas les activités qui ont manqué. Pendant tout ce temps, le Père Patout a animé des retraites et accompagné des personnes en recherche spirituelle. Il s’est consacré aussi à l’écriture de nombreux ouvrages, des livres de spiritualité, pour la plupart toujours disponibles aux éditions Fidélité: ''Des profondeurs, je crie vers toi'', ''Graines de joie'', ''Sous mon figuier''… Dans ce dernier livre, il trace des pistes concrètes qui aident à entrer dans la prière du cœur. Aujourd’hui qu’il est un peu bloqué dans sa mobilité, il continue à exercer le ministère de la Réconciliation, plusieurs fois par semaine, dans la chapelle universitaire des Facultés namuroises: ''Je rencontre des tas de gens qui découvrent qu’ils sont aimés de Dieu. Et pas n’importe quel Dieu! Un Dieu qui souffre avec nous.''
Mais Jacques Patout n’a pas pour autant tourné définitivement la page du Congo. Malgré la distance, il garde des contacts avec des anciens paroissiens, notamment des membres du groupe des ''Femmes seules avec Jésus'', qu’il continue de soutenir, et des gens de la Saint-Vincent de Paul, qui lui relatent des choses merveilleuses: ''On m’a envoyé dernièrement la photo d’une maison, construite pour abriter des veuves de la région. Ça montre que nos efforts n’ont pas été vains, et que l’Eglise missionnaire n’a pas perdu son temps.''

''Notre Eglise a besoin de laïcs engagés''
Parmi les personnes qui lui donnent toujours des nouvelles, il y a ces animateurs laïcs qui, selon le Père Patout, font la richesse de l’Eglise africaine, et dont l’Europe gagnerait tellement à s’inspirer. ''L’Eglise africaine repose sur une pastorale directe. Aux côtés des prêtres, on trouve bon nombre d’animateurs laïcs qui vont de village en village, au plus proche de la population. Ce sont des gens admirables, qui s’engagent pour leur Eglise, en plus de leur famille, ou de leur travail.'' Et de poursuivre: ''Cette situation, je ne l’ai que trop rarement rencontrée en Belgique. Ici, on est trop obnubilé par le nombre de prêtres. Pourtant, l’Eglise n’est pas uniquement faite d’hommes consacrés. Je suis optimiste pour l’Eglise, pourvu qu’elle puisse compter sur la collaboration de nombreux laïcs qui prennent leurs responsabilités.''
A.S.
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