''Je pensais que les chanoines priaient en latin et moi, je n'ai jamais appris le latin. Je n'ai même jamais suivi une heure de ce cours.'' Une réponse que l'abbé Philippe Masson - alors en retraite à l'abbaye de Tamié - a faite au doyen du chapitre lorsque celui-ci l'a approché pour devenir chanoine. Mgr Jacques Lamsoul l'a vite rassuré: pas de prières en latin!
Le coup de fil suivant a été pour l'abbé Jean Tornafol. ''Mgr Lamsoul, dans un message laissé sur mon répondeur, expliquait que l'on avait pensé à moi pour devenir chanoine. J'ai d'abord, précise l'abbé Tornafol, pensé à une blague. Et puis, je me suis dit que ce n'était pas possible.'' Immédiatement, les pensées de l'abbé Tornafol, originaire de France se sont envolées vers Annecy là où il a grandi. Et plus particulièrement vers son oncle Bernard, son parrain et qui, comme lui, était prêtre. La comparaison ne s'arrête pas là: l'oncle Bernard était encore chanoine à la cathédrale d'Annecy. ''C'est un honneur, je ne pouvais tergiverser et j'ai répondu 'oui'.''
Tous deux ont été séduits par la mission de prière, une priorité chez les chanoines. ''C'est une belle mission. Dans l'attente de la venue glorieuse du Christ, nous sommes appelés à veiller, en priant. Et les chanoines font partie de ces veilleurs'' ponctue l'abbé Masson alors que son confrère acquiesce. Et d'ajouter: ''Moi non plus, je n'ai pas tergiversé, j'ai répondu 'oui' au service qui m'est demandé. Même si je ne me sens pas prêt, le Seigneur me donnera les grâces pour assumer.''
Ils sont douze à composer le Chapitre cathédral. Des prêtres qui se retrouvent pour prier lors de la messe du mercredi (à 9h, dans le chœur de la cathédrale) et le dimanche à 18h, pour les vêpres. Durant le Carême, une messe est encore célébrée le vendredi. Les chanoines entourent l'évêque lorsque celui-ci célèbre à la cathédrale, ''son'' église. Ils peuvent aussi être son conseiller. La fonction de chanoine est très ancienne. Ainsi le Chapitre cathédral Saint-Aubain fêtera, en 2047, ses 1000 ans!

Deux marcheurs
Lorsque l'abbé Tornafol a annoncé cette nomination à ses paroissiens beaucoup ont cru que leur curé allait quitter Walcourt. Il a tenu à les rassurer: il poursuit bien son ministère dans ''sa'' basilique. L'abbé Tornafol en a également profité pour donner une petite leçon d'histoire à ses paroissiens. Il rappellera que la basilique avait été auparavant une collégiale avec, comme à la cathédrale, son chapitre de chanoines. La comparaison ne s'arrête pas là. La basilique de Walcourt abrite la croix reliquaire à double traverse signifiant que le lieu possède des reliques de la véritable Croix. A Namur, les chanoines du Chapitre cathédral portent une croix pectorale d’argent doré avec, en son centre, un médaillon à l'effigie, sur une face, de l’Immaculée Conception, protectrice de la ville de Namur et sur l’autre face celle de saint Aubain. Une croix patriarcale, dite de Jérusalem, avec une double barre transversale, comme celle qui surplombe la coupole - retirée pour des questions de sécurité -; elle rappelle que le Trésor du lieu possède une relique de la vraie Croix, donnée en 1205 par le Comte Philippe le Noble, frère de l’Empereur Henri de Constantinople.
Deux nouveaux chanoines qui ont bien des points communs. Outre le fait d'être des hommes de prière, ils sont aussi de bons vivants. Le sourire voire le rire comme la bonne humeur font partie de leur ADN! Deux prêtres qui savent aussi ne pas se prendre au sérieux tout en menant leurs fonctions avec efficacité et rigueur. Deux mordus des marches de l'Entre-Sambre et Meuse. Pour l'abbé Masson, 58 ans, originaire de Mariembourg, marcher était quasi aussi naturel que respirer! Pour le doyen Tornafol, 49 ans, c'était différent. En France, il n'avait jamais entendu parler non pas de ce folklore mais de cette tradition. Tous deux aiment à redire qu'il ne peut y avoir de marche sans la présence de la statue d'un saint, d'une relique à emmener en procession. En devenant doyen de Walcourt, il entrait dans le monde des marches. ''Marcher est un incontournable en Entre-Sambre et Meuse. Je m'étais donné un an pour voir si j'allais adhérer.'' Très vite, le doyen Tornafol s'est laissé séduire par la beauté de ces marches avec évidemment un coup de cœur particulier pour la marche de la Trinité et celle du Saint-Sacrement.

Le 13 novembre
Comme le doyen Jean Tornafol, le doyen Philippe Masson était inquiet quant à la disponibilité que cette nomination demandait. Mgr Lamsoul a encore tenu à les rassurer. ''On fera ce que l'on peut. Ce n'est pas tout d'être honoré, il faut répondre à la charge'' précisent les deux prêtres qui ont déjà prévu de faire, le plus fréquemment possible, du covoiturage. Bien meilleur pour l'environnement mais aussi bien plus agréable. Un temps précieux que les deux chanoines sont encore bien décidés à mettre à profit pour parler ''travail'', trouver des solutions aux problèmes qui se posent, évoquer des projets...
Deux prêtres qui s'apprécient et qui ne cachent pas leur satisfaction d'être installés, ensemble, comme chanoine. Une fonction de chanoine souvent raillée, considérée comme dépassée. Les abbés Masson et Tornafol en sont bien conscients: ''Nous ne sommes pas touchés par ces moqueries. Pour nous, c'est d'abord une mission de prière qui est demandée.''
Ils seront installés le mercredi 13 novembre, à 9h. Une célébration ouverte à tous qui se déroule en deux temps. Les chanoines sont installés, ils prennent ainsi place dans la stalle qui leur est attribuée. Ils regagneront ensuite la sacristie pour revêtir leurs habits liturgiques et présider l'eucharistie qui suit.
C.B.