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6/4/2011
TÉMOIGNAGE
Rudi Jacques redonne vie aux orgues
Un atelier au milieu des champs, l'univers de travail de Rudi Jacques est on ne peut plus champêtre. Rudi Jacques est facteur d'orgues. Tout jeune, il a eu le coup de foudre pour cet instrument. Il a appris à en jouer avant de vouloir tout savoir sur l'orgue, considéré comme le roi des instruments. Avec plusieurs artisans, Rudi Jacques a appris à les construire mais aussi à les rénover. Il a ainsi passé deux ans au chevet de l'orgue du séminaire de Namur. L'orgue est utilisé pour accompagner musicalement les offices. Il permet aussi d'organiser des concerts, ce sera le cas les 10 et 25 avril. Deux moments à ne pas manquer.
Une belle après-midi de printemps. Le soleil brille sur Maurenne (Hastière), Rudi Jacques est au travail dans son atelier. C'est une bonne odeur de bois qui accueille le visiteur. Avec Bernard Maréchal, ébéniste (la photo), il met la dernière main à l'orgue de l'église du Sablon (Bruxelles). Le buffet fait de chêne, de tilleul et de loupe d'orme trône au centre de l'atelier. Une fois terminé, il sera démonté pour être remonté dans l'église. Il s'agira d'installer aussi les tuyaux et tout le mécanisme. Un travail de précision qui demandera du temps.
Rudi Jacques est un artisan musicien. A moins que ce ne soit l'inverse. Ce qui est certain c'est que son histoire est celle d'un coup de foudre. Il avait 6 ans. ''J'assistais, avec mes parents, aux offices à la collégiale de Dinant. J'étais impressionné par le son de l'orgue. J'étais fasciné. Je voulais comprendre comment ce musicien qui est le seul à jouer avec ses mains et ses pieds pouvait produire autant de sons différents.'' Un rien goguenard, Rudi Jacques ajoute: ''Et puis, il y avait aussi toutes ces marches d'une hauteur inégale que l'organiste devait gravir pour aller au jubé. Pour un petit garçon, c'était insolite.''
Un beau jour, le petit Rudi a expliqué à ses parents qu'il voulait apprendre à jouer de l'orgue. ''Mon père a été plutôt surpris. Il m'a conduit à Bruxelles dans un magasin où il y avait tous les instruments possibles et inimaginables. Il m'a demandé: tu ne veux pas une guitare, c'est plus facilement transportable? Et il a recommencé avec une série d'instruments...'' Dans la tête de l'enfant, le choix était fait et pas question d'en changer! La famille Jacques a donc investi dans un orgue électrique pendant que l'enfant prenait ses premières leçons de solfège et d'instrument. Un coup de foudre qui s'est transformé en passion. ''J'ai été un des premiers spécimens à suivre les cours en humanités musicales'', explique-t-il dans un éclat de rire. Sa vie est centrée sur la musique et sur l'orgue avec quelques infidélités pour découvrir le piano et le violoncelle. Outre les cours, il suit des cours de perfectionnement pendant les vacances. L'orgue électrique familial ne suffit plus, Rudi Jacques passe beaucoup de temps à l'église des Capucins à Ciney où il apprend à faire corps avec l'instrument.

Les mystères de l'orgue
Sa soif de connaître l'orgue est telle qu'il ne peut se contenter de jouer de l'instrument, il veut découvrir ''ce qu'il a dans le ventre''. ''A 18 ans, je suis entré au conservatoire royal de Bruxelles. Et je me suis rendu compte que j'étais musicien mais que je ne connaissais rien de mon instrument. C'est comme un pilote de rallye, on ne lui demande pas de procéder lui-même aux réglages mais avoir une connaissance de la mécanique est indispensable. Pour l'orgue c'est pareil. Je trouvais que mon jeu était trop stéréotypé.''
La facture d'orgue s'apprend avec des artisans. Alors timidement, Rudi Jacques a poussé la porte d'un atelier dinantais. ''J' ai proposé un coup de main...'' Petit à petit, Rudi Jacques trouve sa place et les deux hommes se lancent dans la réalisation d'un orgue. Pour lui, tout est magique. Outre le travail du bois, il s'attaque aux tuyaux qui produisent les sons, à la mécanique pour actionner le tout. Rudi passe ensuite trois mois en Italie où il rencontre des facteurs d'orgues. ''J'ai ramené un disque, à l'époque un 33 tours, un enregistrement réalisé sur l'orgue d'Albi qui venait d'être restauré par des Italiens. Alors que mes copains écoutaient les Rolling Stones ou encore les Beatles moi je n'arrêtais pas de me passer et de me repasser l'enregistrement. J'étais émerveillé par les sonorités, elles me parlaient. ''
Depuis le début des années 90, Rudi Jacques est facteur d'orgues. Il a ainsi été amené à restaurer l'orgue du séminaire de Namur. Un orgue victime du temps mais aussi des différentes affectations de la chapelle où il se trouvait: ''il était à bout de souffle'' lance l'artisan. Il a été démonté lorsque la chapelle est devenue bibliothèque. Aujourd'hui, il y a retrouvé sa place. Il a passé de longs mois à tout remettre en ordre. Un long travail a été nécessaire sur place. Un moment unique pour Rudi Jacques et son équipe. Il est encore tout ému de l'accueil reçu et des rencontres qu'il a pu faire avec l'équipe du séminaire, les professeurs mais aussi les séminaristes.

Il aide à mieux chanter
Lorsque la décision de redonner vie à l'orgue a été prise, il a fallu réfléchir à sa destination. ''Un orgue ne peut pas jouer tous les répertoires. Au séminaire, la décision a été prise de l'utiliser, en cohérence avec les lieux, pour jouer des pièces du 18 eme. Un orgue est fabuleux pour accompagner le chant. Avec un orgue, on arrive bien plus facilement à bien placer sa voix. Il accompagne donc, chaque jour, les différents temps de prières. Donner à des séminaristes la possibilité de chanter avec un orgue est fabuleux. Ils prennent ainsi l'habitude de l'instrument et de sa beauté. Lorsqu'ils seront dans les paroisses, ils seront ainsi plus sensibles à la cause de l'orgue, à la sauvegarde.'' L'orgue est utilisé régulièrement pour des concerts (lire ci-dessous). ''Lorsque j'entends l'orgue sonner, je suis toujours un peu ému. Je vis de belles émotions en entendant ce que des musiciens peuvent en tirer.'' Bernard Menier, professeur à l'Imep et organiste de renom a joué le concert inaugural: ''Il a fait sonner l'orgue d'une manière que je ne connaissais pas et pourtant j'en ai passé des jours et des nuits auprès de cet orgue!''

Détrôné par la guitare
Tous les orgues ne sont pas aussi chouchoutés que celui du séminaire. ''Aujourd'hui, certaines paroisses préfèrent des accompagnements à la guitare ou encore avec un djembé. C'est regrettable, l'orgue c'est le roi des instruments. C'est Mozart qui le disait. Il est le plus complet et aussi le plus complexe et par sa nature, il réunit tous les instruments de l'orchestre d'où sa richesse et la diversité de jeux. Il fait aussi partie d'un patrimoine. Moi, je suis attiré par le côté sonore de l'instrument mais aussi par la qualité visuelle.'' Mais heureusement, l'orgue a ses défenseurs. ''Je connais des prêtres qui se sont mobilisés pendant des mois pour récolter l'argent nécessaire à la restauration. Ils ont organisé des soupers, des tombolas... L'élan de solidarité est remarquable.''
Pour garder la main, Rudi Jacques continue à tenir les orgues, le dimanche. Il intervient lors de quatre offices. Faute de temps, il donne par contre de moins en moins de concerts. Pas simple de concilier des pièces de concerts à préparer et un carnet de commandes à honorer.
Christine Bolinne
Le dimanche 10 avril, à 15h, à la chapelle du séminaire, récital d'orgues avec Rieko Higaza et Madeleine Cordez dans un répertoire d'oeuvres de Georg Friederich Haendel, Bruxtehude, Muffat, Bach...
Le lundi 25 avril (lundi de Pâques), à 15h, toujours dans la chapelle, l'orgue et le chant ont rendez-vous. Rendez-vous fixé par Firmin et Grégory Decerf. Ils interpréteront des oeuvres de Monteverdi, Pachelbel, Fischer, Bach...
La chapelle du séminaire est située 11b rue du Séminaire à Namur. Renseignements: 081/22.28.54 ou 081/25.64.66

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