''Viens Esprit saint, viens en nos coeurs et envoie un rayon de ta lumière...'' Cette voix qui vient de s'élever, à Malonne, dans la salle de spectacle du collège Saint-Berthuin, appartient à Pierre Favre. Cette chanson et tant d'autres font aujourd'hui partie de son répertoire. Il n'en pas toujours été ainsi!
Dans une société où on garde la détestable habitude de juger l'autre au premier regard, Pierre Favre surprend. Sur son crâne des tatouages, sur son cou encore des tatouages... ''J'ai un drôle de look pour quelqu'un qui parle du Saint-Esprit.'' Drôle de look, c'est certain mais une énergie pour convaincre, pour dire aux jeunes de se respecter, de respecter leur corps.
Ce look, Pierre Favre se l'est composé il y a des années maintenant. Un moment de sa vie où lui le garçon timide rêvait, pour de devenir ''quelqu'un'', d'être différent. Entre différence et marginalité, l'espace est souvent ténu. Pierre Favre le reconnaît: il n'en pouvait plus de cette vie d'enfant sage, de bon élève, dans une famille sans problème. Lui, le petit dernier de la famille doit à 8 ans gérer l'arrivée d'un petit frère. Il y a aussi le déménagement de la famille dans la périphérie de Lyon. ''J'ai découvert les immeubles tours, les rapports de force entre les enfants.'' A 14 ans, il perd ses cheveux. ''On ne m'avait pas dit que c'était un problème dans la famille. J'étais très complexé, timide.'' Alors qu'il a 19 ans, ses parents partent s'installer en Savoie. Pierre Favre reste à Lyon où il est plongeur dans un restaurant universitaire. ''J'étais dans un monde de solitude. Je n'étais attiré que par ceux qui vivaient en marge, les clochards... J'ai rencontré des punks et j'ai été fasciné par leur look. Je les trouvais beaux.'' Il fait partie de différents groupes dont celui des ''Garçons bouchers''. ''No future c'était ma devise. On s'alcoolisait, on prenait de la drogue, des amphétamines. J'étais tombé dans la marginalisation, c'est ce que j'avais voulu''.

Dieu ou le foot?
Pas un bruit dans la salle. Les jeunes du Soul Quest Festival à qui le Français s'adresse sont suspendus à ce témoignage. ''Mon mal être était terrible'' confesse-t-il avec beaucoup de simplicité. Une vie qui devient insupportable lorsqu'une amie est tuée par une voiture en quittant Pierre. Il vient de lui dire que, contrairement à ce qu'elle souhaitait, il ne serait pas témoin de son mariage. Sa culpabilité est énorme.
Au plus profond de son mal être, Pierre Favre se souvient de ce Dieu, celui du catéchisme à qui il a si souvent tourné le dos pour aller jouer au foot. Il lui demande de l'aide et de rencontrer - enfin - l'amour, le vrai. Et il y a eu Géraldine. ''C'était la belle et la bête'' raconte-t-il avec une voix nouée par l'émotion. Un amour fou qui aura une fin tragique. Lors d'un concert de rock, une bagarre éclate. Géraldine est blessée. Lors de l'opération, les médecins découvrent qu'elle est enceinte et séropositive. L'enfant qui grandissait en elle ne résistera pas à l'anesthésie. Choc immense. Pierre Favre apprend qu'il est lui aussi séropositif. Le couple, plus fort que jamais, décide de se marier. En 2001, à 32 ans, Géraldine vaincue par une profonde dépression, rattrapée par le sida s'éteint.
''Le soir des funérailles de Géraldine, seul dans mon lit où il y avait encore l'odeur de son parfum, j'ai été attiré par un livre sur la table de nuit. Un livre de prières dans lequel j'ai plongé. Et depuis, la prière est devenue sa nourriture. Au début, j'ai cru devenir fou. Les textes étaient magnifiques et je me retrouvais dans tout ce qui était écrit. J'aimais à travers la prière ce moment où je me rapprochais du Seigneur.''
Et depuis lors, Pierre Favre est là pour écouter, aider ceux qui souffrent, les exclus de la vie qui font si souvent peur. Il travaille, dans le Var, pour le Secours Catholique. Il a aussi une mission: témoigner de sa vie, de cet amour de DIeu. ''Je suis là après des moments de désespérances pour parler d'espérance.''
Il encouragera encore les jeunes à respecter leur corps, à en prendre soin. ''Il est sur terre, notre véhicule de pèlerin. J'ai abusé du mien, j'en paie les conséquences. Peu importe aujourd'hui ce que vous fassiez mais faites le pour le Christ. Et tant pis si les gens autour de vous ne comprennent pas toujours. Mes anciens amis me prennent pour un fada!''
Christine Bolinne