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11/11/2010
De Jambes à l'Afrique: la vie de Soeur Marie-Pascale, Dominicaine Missionnaire
Depuis notre rencontre, Soeur Marie-Pascale est retournée au Rwanda où elle va animer des retraites et s'occuper de formation, à travers divers enseignements, surtout pour des religieuses. Elle qui a vécu une valise à la main pendant tant d'années reconnaît que les départs sont, aujourd'hui, toujours un peu plus difficiles, à cause des séparations... Soeur Marie-Pascale a été élue en juillet dernier, Prieure Générale des Dominicaines Missionnaires de Namur. Son rôle est ainsi de veiller sur toute la congrégation composée de soeurs, la plupart très âgées, à la santé parfois bien fragile et qui ne peuvent plus exercer leur apostolat comme elles l'ont fait pendant longtemps en Afrique, au Chili... Elles ont vécu dans des pays en guerre, sous des dictatures. Neuf d’entre elles ont été massacrées en RDC. Lorsqu'elle parle de ''ses'' soeurs dominicaines, on sent du respect mais aussi beaucoup d'émotion dans la voix de Soeur Marie-Pascale. C'est dur de les quitter et en même temps elle se sait soutenue par elles pour ses missions.
A 70 ans, Soeur Marie-Pascale est tout simplement rayonnante. Son optimisme tout comme son sourire sont communicatifs. Pourtant, la vie ne l'a guère ménagée. A la naissance, elle perd ses parents. Ses grands-parents avec sa jeune tante la prendront en charge et ils poursuivront son éducation. Comment alors qu'elle n'a jamais quitté Jambes, où elle est née -comme Mgr Léonard ! - décide-t-elle de devenir missionnaire? Soeur Marie-Pascale sourit et puis éclate de rire. ''Je n'en sais rien. Mais c'était très clair en moi: mon premier appel était de partir comme missionnaire pour annoncer la Bonne Nouvelle.'' La décision de devenir religieuse a été plus difficile à prendre: elle est partagée entre le désir de cette vie qui l’attire et l'envie, toute naturelle, de se marier et de fonder une famille. L'appel de Dieu sera le plus fort, il s’agissait de donner sa foi à Celui qui dès l’enfance lui avait dit: ''Celui qui croit en moi-même s’il meurt vivra.'' L’appel se précisera même. ''J'étais attirée par le charisme des Dominicaines, par la vérité, par la lumière, par la priorité donnée à la Parole de Dieu, la joie du salut. Cette joie, poursuit Soeur Marie-Pascale, je devais pouvoir la partager avec d'autres. Je n'aurais pas pu entrer au Carmel…''

''Vous êtes bien jeune''
Après ses humanités, la jeune femme se présente chez les Dominicaines Missionnaires. Elles sont alors installées, à Salzinnes, rue du Belvédère. ''J'y suis allée avec mes grands-parents. J'ai expliqué que je voulais rejoindre la congrégation. La Prieure générale m'a regardée et m'a dit: 'Il me semble que vous êtes bien jeune.' Sur le moment, c'était bien sûr une déception. Par la suite, j'ai compris combien elle avait raison en me faisant cette réflexion. Je lui ai encore demandé quelles études je pouvais suivre pour être utile à la congrégation. Sa réponse a été: 'vous faites ce que vous voulez. Ne tenez pas compte de la congrégation, soyez libre.’'' Elle décide d'entamer un régendat en langues germaniques. ''C’était pour abréger le temps d’études mais mes grands-parents m'ont laissé faire l'université. Je me suis alors inscrite en philologie classique chez les Jésuites à Namur puis à Louvain... Même si cela ne paraissait pas très utile pour ma vie future au moins, ça structure l'esprit.'' La licence en poche, la jeune femme enseignera deux années à l'Institut Sainte-Marie à Namur. Le rêve de devenir religieuse est toujours bien présent en elle. Et pourtant, la jeune diplômée a l'impression qu'il ne se concrétisera pas avant longtemps. ''Mon grand-père est mort durant mes études et il me revenait de m'occuper de ma grand-mère. Un jour, elle m'a dit qu'elle ne voulait pas être une pierre sur ma route: 'si tu veux partir, pars'. C'était vraiment très beau…. Ma tante et son mari ont accepté de veiller sur elle. L’oncle a sorti une bonne bouteille de vin pour dire son accord ! Je pouvais devenir dominicaine missionnaire.''

''J'ai des amis partout en Afrique''
Le départ approche. En 1964, à presque 24 ans, elle entre chez les sœurs à Salzinnes. Le contexte est difficile: la congrégation est sans nouvelles, depuis de longs mois, de religieuses en mission au Congo. Elles reviennent peu à peu, bien traumatisées. En janvier 1965, les deux rescapées de Watsa annoncent que les autres religieuses y ont été tuées au camp militaire … Une autre encore reviendra, bien plus tard après quatre mois seule en brousse, nourrie d’un peu de manioc tous les deux jours par un lépreux! Tous ces événements tragiques interviennent durant le postulat puis le noviciat de la Jamboise. Des récits épouvantables qui ne vont pourtant pas la décourager. ''Je savais donc à quoi m’en tenir…Le 16 avril 1967, j'ai fait ma profession. Le tulipier du jardin du couvent était en fleurs. Je me souviens encore combien il était magnifique.'' En décembre, c'est le départ pour le Rwanda. ''On m'a demandé de passer un an dans un centre de santé et d'étudier aussi des cours de catéchése par moi-même, en soulignant que cela me serait utile un jour. OK! En 1968, je suis allée au Congo où j'ai enseigné cinq ans, dans une Ecole Normale Primaire et au Petit Séminaire…'' A la question de savoir si elle s’est bien acclimatée à l'Afrique, elle répond: ''Partout où je suis passée, j'ai des amis. Et des amis qui m'ont vraiment aidée à découvrir leur pays et à l'aimer.''
Les souvenirs se bousculent dans la tête de soeur Marie-Pascale. Son aplomb et sa détermination feront des merveilles lorsque la situation devient trop tendue. Un jour, elle passe même une frontière fermée entre le Rwanda et le Congo… ''Laissez-moi passer, je vais enseigner vos enfants.'' Le major de garde la laisse passer et fait porter sa valise! Elle arrive à la sûreté et joue de la guitare pour négocier la suite de son périple. En dehors de l’enseignement, elle contribuait à la formation des laïcs catéchistes, animait des célébrations sans prêtres dans les villages... ''C'était passionnant'' ajoute la religieuse.

''La grande aventure''
En 1983, les Dominicaines Missionnaires de Namur reçoivent un appel du Rwanda. De jeunes Africaines souhaitaient devenir religieuses dominicaines: sur place la décision est de collaborer entre plusieurs congrégations dominicaines pour fonder quelque chose de neuf, pour l’Afrique! Soeur Marie-Pascale est désignée pour assurer la responsabilité de cette fondation, aidée de deux autres sœurs, une italienne et une brésilienne. ''C'est ce que je continue à appeler la ‘grande aventure. Elle m’a pris 27 ans de vie…et ensemble, nous avons traversé tous les événements – même les plus dramatiques - qui se présentaient au Rwanda, au Congo et en République centrafricaine. Heureusement, souligne Soeur Marie-Pascale, elles vivent dans une grande foi.'' Depuis 2005, une sœur rwandaise a été élue pour succéder à Sr M.Pascale à la tête de cette nouvelle congrégation appelée ''Dominicaines Missionnaires d’Afrique''. Mais notre sœur namuroise continue à s’investir dans la formation non seulement pour ses jeunes sœurs d’Afrique mais aussi pour d’autres congrégations, pour des laïcs, notamment par des émissions à la radio.
Elue prieure générale chez les Dominicaines à Salzinnes, elle est encore envoyée pour de courts séjours en Afrique. Elle séjourne actuellement au Rwanda pour trois mois. Après Pâques, elle partira en Centrafrique. ''Je sais que mes soeurs comptent sur moi, tant celles de Namur que celles de la fondation. J'aime beaucoup parler avec elles. Ici nous cherchons ensemble, avec les encouragements de Mgr Rémy, comment incarner notre charisme missionnaire… Même si nous avons vécu des choses très fortes en Afrique et en Amérique Latine, nous ne sommes pas des anciens combattants (rires…) C’est ici qu’il nous faut être missionnaires jusqu’au bout''. Les souvenirs ne sont là que pour donner du relief et de la force pour aujourd’hui!
Christine Bolinne
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