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10/3/2013
Opposition des évêques belges à l’extension de la loi sur l’euthanasie
''Peut-on euthanasier le lien social?''. Sous ce titre interpellant, les évêques de Belgique veulent faire entendre leur point de vue quant au projet d’extension aux mineurs et aux personnes démentes de la loi sur l’euthanasie. Au cours d’une conférence de presse, Mgr Léonard, archevêque de Malines-Bruxelles, s’est fait le porte-parole de ses confrères sur cette question actuellement en débat. Il était entouré de deux experts, les Docteurs Catherine Dopchie (côté francophone) et Chantal Kortmann (néerlandophone).
Lorsque la dépénalisation de l’euthanasie a été votée en 2002, les évêques belges avaient déjà exprimé leurs plus vives réserves par rapport à cet acte qui conduit à la mort. Dans une déclaration publiée la même année, ils s’étaient formellement prononcés pour les soins palliatifs, disant non à l’euthanasie. Maintenant qu’il est question d’étendre la loi aux mineurs et personnes démentes, les évêques ne pouvaient rester au balcon. Ils l’expriment dans un texte (lire par ailleurs) qui montre combien le choix de la mort est un enjeu crucial pour la société et appellent le législateur à trouver une autre voie, sous peine d’euthanasier le lien social. Sur cette question sensible, les évêques entendent apporter leur contribution propre, tant pour ''honorer notre démocratie que la dignité humaine''. Les évêques catholiques veulent partager leur conviction, car ils pensent que ''la démocratie est mieux servie lorsqu’elle reconnaît à quel point le lien social est infiniment plus profond que le fragile consentement à l’euthanasie''.

Quid du lien solidaire avec la personne souffrante?
C’est ce point de vue des évêques que Monseigneur Léonard a défendu, mais en insistant sur une prise de parole citoyenne ''d’un point de vue philosophique, à titre de participation au débat public''. Ainsi l’archevêque dénonce la modification du rapport fondamental à la vie et à la mort qu’introduit l’euthanasie, minant ainsi le lien solidaire entre les citoyens et les personnes souffrantes. Et dans le cas de personnes mineures ou démentes, il s’agit d’un abus criant, quand bien même on invoquerait leur discernement. Un argument étrange relève l’archevêque, alors que ''les mineurs d’âge sont en des domaines importants, jugés légalement incapables de certains actes'' (acheter, vendre, se marier)''.
Dans le cas des personnes démentes ''la décision de confier à autrui la tâche de me faire mourir (de décider à ma place dans le cas où je serais dément et de passer à l’acte euthanasique par procuration) est-elle vraiment compatible avec un Etat de droit?'' interroge le Président de la Conférence épiscopale. Et de considérer semblable décision individuelle comme pesant lourdement sur la liberté d’autrui. ''Cette survalorisation du consentement personnel renforcera encore l’individualisme et la solitude qui minent la solidarité de chacun avec tous et de tous avec chacun''.
Onze ans à peine, après le vote de la loi sur l’euthanasie, ont suffi pour proposer l’actuelle extension alors qu’elle n’était pas prévue. ''Combien de temps faudra-t-il pour envisager d’autres élargissements?'' et à force de multiplications, de voir le geste se banaliser carrément, s’est inquiété Mgr Léonard.
Avant de passer au traditionnel question-réponse l’archevêque s’est clairement positionné en faveur des soins palliatifs, une position que l’Eglise a toujours prônée. ''Nous proposons positivement l’option pour des soins palliatifs toujours plus performants et éloignés de tout acharnement thérapeutique. Et nous soutenons, tout aussi positivement, le primat de la liberté ''solidaire'' sur la liberté prétendument « solitaire », mais, finalement, si contraignante pour autrui''.

L’euthanasie banalisée
Le docteur Dopchie, s’est également exprimée à titre personnel en tant qu’oncologue, formée aux soins palliatifs et responsable d’une unité de soins palliatifs. Elle a estimé que les soins palliatifs sont tellement efficients que même les partisans de l’euthanasie disent que le fait de ne pas savoir soulager les souffrances est du domaine de l’incompétence médicale. Pour la spécialiste des soins palliatifs, l’euthanasie est désormais banalisée, et certains déclarent, ''contrairement à l’esprit de la loi, qu’elle n’est plus ni une exception, ni une transgression éthique mais un accompagnement en douceur proposé pour éviter toute souffrance inutile''.
Et de parler de confusion dans la mesure où, à ses yeux, on présente la pratique euthanasique comme un choix libre, qui ne tient pas compte du terrain. ''Dans des situations de fin de vie, où l’activité psycho spirituelle est intense, des personnes changent complètement d’avis au sujet de leurs désirs. Des études scientifiques sur la qualité de vie des malades oncologiques démontrent que les items relevés comme signifiants pour la qualité de vie changent avec l’aggravation de la situation et la perte d’autonomie. Il n’est donc pas raisonnable de penser que l’on puisse être compétent sur le ressenti que l’on aura dans une situation dans laquelle on n’est pas encore'' , estime le docteur Dopchie.
Interrogée sur l’objection de conscience, le Dr Dopchie a rappelé que bien sûr il s’agissait d’un droit acquis, mais que tout ne coulait pas de source pour autant. ''Les institutions peuvent décider elles-mêmes de leurs propres règles. Mais la pratique au quotidien, n’est pas toujours évidente. Cela reste difficile dans le cas où on nous impose de rompre une alliance avec le malade. La pratique de l’objection de conscience est quelque chose de très touffu, c’est parfois très compliqué à mettre en place et à vivre sur le terrain par rapport à ce que dit la loi''. Mgr Léonard n’a d’ailleurs pas manqué de souligner que le personnel médical autre que les médecins est parfois en position très délicate par rapport à ses convictions, au risque de perdre son emploi.
Dans sa conclusion de l’intervenante a lancé une interrogation qui ne manque pas d’interpeller ''l’euthanasie est une manière technique de prendre en compte la souffrance humaine. Peut-on vraiment considérer qu’il s’agisse d’un progrès?''
B.L. (Médias Catholiques)
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