Jeunes Vie du Diocèse Formations Agenda

 Retour à la liste
27/4/2015
Les soeurs des pauvres de Saint-François quittent Bastogne
Soeur Marie-Dominique (à droite sur la photo) et soeur Marie-Jeanne se connaissent depuis près de 60 ans: une complicité, une amitié entre ces deux religieuses de la congrégation des Soeurs des pauvres de Saint-François. Elles se préparent, d'ici quelques jours, à tourner une page. Elles vont quitter la maison de repos ''Sans Souci'' de Bastogne où elles ont veillé avec tant de chaleur et de compétence sur les pensionnaires. Malgré leur beau sourire et un sacré sens de l'humour, elles ont le coeur gros. Quitter les pensionnaires est douloureux. Mais c'est la sagesse qui prévaut. A respectivement 82 et 76 ans, elles pensent, non pas à la retraite, juste à alléger leur quotidien.
Les Soeurs des pauvres de Saint-François, des Franciscaines, font partie de l'histoire de Bastogne. Ces femmes ont travaillé dans l'hôpital, dans la maternité mais aussi à la maison de repos du CPAS de Bastogne. Elles ont encore veillé sur les malades à domicile en leur apportant des soins. Aujourd'hui, deux y sont encore en fonction. Et ce n'est plus que pour quelques jours.
Soeur Marie-Dominique, la supérieure: ''Ce n'est pas le CPAS qui a voulu se séparer de nous. A 82 ans, je sens bien que je n'ai plus toujours l'énergie pour faire face à la tâche. La générale m'a proposé de revenir à Mehagne, à la maison de repos de notre ordre.'' Soeur Marie-Jeanne enchaîne: ''J'ai encore l'énergie pour travailler ici mais il n'était pas question que je reste seule. Je suis faite pour la vie en communauté.'' Alors, c'est ensemble que les deux religieuses ont préparé le déménagement. ''Tous les jours, on cherche des choses qui sont déjà parties... C'est le cas de la pince à sucre, par exemple.'' lance, dans un éclat de rire, soeur Marie-Jeanne.
''Le CPAS a été très gentil avec nous. Ils sont déçus de notre départ, souligne encore soeur Marie-Dominique. Ils ont dit que nous pouvions rester même sans travailler que nous étions importantes pour ce que nous représentons.'' Une réflexion qui a ému les religieuses mais qui ne leur a pas fait changer d'avis pour autant. Impossible pour elles de rester sans ''rien faire.'' Ce n'est ni dans leur tempérament, ni dans leur habitude. ''Vous savez nous nous levons chaque jour à 5h du matin et nous nous mettons au travail.''

''Vous n'allez pas partir?''
Le travail? Il est différent aujourd'hui de ce qu'il a été hier. Depuis quelques années, les deux religieuses assurent une présence auprès des pensionnaires. Elles sont là pour écouter, réconforter, entourer... Une aide bien précieuse pour le personnel de la maison de repos ''Sans Souci.'' Les pensionnaires sont tout chamboulés (la photo) par ce départ. Louis n'en revient toujours pas: ''vous n'allez pas partir, hein.'' Aimée quitte la chapelle où elle prie pour venir près des soeurs. Elle ne dit rien mais sa peine n'en est pas moins perceptible.
Soeur Marie-Jeanne a travaillé à la cuisine. Eplucher les légumes, préparer les repas mais aussi de délicieuses pâtisseries -soeur Marie-Dominique acquiesce l'oeil gourmand- cela a fait partie de son quotidien depuis qu'elle est devenue religieuse. Soeur Marie-Dominique a elle, avant de rejoindre la maison de repos de Bastogne, travaillé comme infirmière à l'hôpital de la localité. ''Je suis passée par tous les services sauf la pédiatrie.'' Le soin à la personne voilà bien une des priorités des Soeurs des Pauvres de Saint-François, une congrégation fondée par Françoise Schervier au début du 19eme siècle.

Souvenirs, souvenirs
Les deux religieuses n'engendrent pas la mélancolie. Elles aiment rire et se taquinent allègrement. Les souvenirs sont liés aux malades rencontrés, aux pensionnaires mais aussi aux consoeurs qui ont partagé leur vie. A un moment, dans la maison de retraite, elles ont été plus d'une dizaine aux services des malades, des moins valides. Soeur Clémentine est restée dans les mémoires pour ses qualités humaines mais aussi pour ses piètres talents de conductrice! Chargée des soins à domicile, elle sillonnait la région. Soeur Marie-Jeanne ne comprend toujours pas comment elle n'a jamais eu d'accidents... ''On lui avait finalement trouvé un chauffeur, c'était plus prudent.''
Les religieuses retrouvent leur sérieux pour dire combien elles sont heureuses d'avoir ramené vers Dieu des pensionnaires. ''Jamais, explique soeur Marie-Jeanne nous ne demandions aux personnes si elles allaient à la messe, si elles voulaient recevoir la communion... cela devait venir d'elles. '' Soeur Marie-Dominique enchaîne en racontant l'histoire de cette pensionnaire qui, avant de communier, a demandé la visite d'un prêtre. Elle souhaitait se confesser. Il y avait 53 ans qu'elle ne l'avait plus fait et qu'elle n'était plus allée à la messe. Ou encore ce monsieur qui, un dimanche, a interpellé d'un ton bourru soeur Marie-Jeanne qui distribuait la communion. ''Et moi, je n'y ai pas droit...'' lui a -t-il lancé. Des histoires comme celles-là, elles en connaissent à foison.

Direction Liège
Ce mardi, elles vont être mises à l'honneur à la maison de retraite. Le 3 mai, ce sera le tour de la paroisse. Et le doyen, l'abbé Pivetta reste muet: ce sera une surprise... Il faudra ensuite envisager le départ. Soeur Marie-Dominique et soeur Marie-Jeanne emmèneront leur bonne humeur en terres liégeoises et se mettront au service de leurs consoeurs moins valides.
Elles ont tout prévu pour éviter de trop perturber les pensionnaires: soeur Marie-Dominique a trouvé un couple tout heureux de prendre en charge l'entretien de la sacristie et la préparation de la messe. Soeur Marie-Jeanne a choisi une personne pour lui succéder au ''petit magasin'': une véritable institution dans la maison de repos. Soeur Marie-Jeanne a mis, pendant des années, un point d'honneur, à passer de chambre en chambre pour prendre les commandes. Elle allait faire les courses et ramenait les petits extras: la tablette de chocolat à l'un, les fruits pour un autre, l'eau préférée d'un troisième. Soeur Marie-Jeanne a beaucoup aimé ce travail. ''Les commandes de gougouilles (ndlr: les friandises) avaient beaucoup de succès'' raconte-t-elle espiègle.

''Tu viens avec moi?''
Outre le dévouement dont elles ont toujours fait preuve, leur amour pour Dieu, les deux religieuses sont aussi des amies de toujours. A 14 ans, soeur Marie-Jeanne arrête l'école et va travailler. Cette enfant de Steinbach, comme beaucoup de la région, arrive à la clinique de Bastogne. Non seulement, elle se charge du ménage mais côtoie encore les Soeurs des pauvres de Saint-François. Depuis l'âge de 12 ans, l'idée de devenir religieuse ''lui trottait dans la tête'' pour reprendre ses termes. C'est là qu'elle fait connaissance avec la future supérieure mais surtout l'amie de toujours soeur Marie-Dominique. Les deux femmes s'apprécient. Soeur Marie-Dominique: ''Je pensais au mariage, j'avais un petit copain. Un jour, je me suis dis mais qu'est-ce que tu fabriques là: le mariage ça n'ira jamais.''Elle téléphone à sa copine et lui explique qu'elle entre au couvent. Elle lui lance: ''tu viens avec moi? '' On connaît la suite. Soeur Marie-Jeanne avait 17 ans. Soeur Marie-Dominique avait elle 23 ans...
Christine Bolinne
Translate in English - Nederlands - Deutsch