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31/1/2016
Le discours d’Eric Gaziaux, nouveau doyen de la Faculté de théologie de l’UCL
Lors de la rentrée académique du 14 septembre dernier, le nouveau doyen de la Faculté de théologie de L’UCL, Éric Gaziaux, a prononcé un discours de bienvenue. En voici quelques extraits.
Chers vous toutes et tous,

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir en ce jour et vous souhaite à toutes et à tous, et en particulier aux nouvelles et nouveaux inscrits, une superbe rentrée académique, une année que j’espère pour vous et nous tous riche en découvertes et en rencontres.
En vous inscrivant à la Faculté de théologie, vous avez opté pour une Faculté qui, fondée en 1432, s’inscrit dans une longue et riche tradition de recherches et d’enseignement, dont elle sera vous en faire goûter de nombreux fruits, mais vous avez aussi choisi une faculté qui a cette chance de faire partie d’une université complète et vivante, une université qui se pense et se vit non seulement au gré des décrets ministériels, mais surtout en lien avec les mutations profondes que traverse notre société, et qui entend, en nombre de domaines, relever les défis qui sont les siens, à savoir ceux d’un enseignement et d’une recherche de qualité, ainsi que ceux du service à la société au sein de laquelle elle est insérée, et cela, je l’espère, en mettant en son centre le souci de l’humain.

Dire que notre Faculté fait partie prenante d’une université complète, signifie que la théologie que nous présentons et faisons ne se fait pas en vase clos ou dans une tour d’ivoire. Les divers programmes en attestent ainsi que la manière de « faire » la théologie ici à Louvain-la-Neuve, une théologie dite universitaire. Adhérer à un tel projet signifie sans doute commencer une aventure intellectuelle, mais aussi humaine et spirituelle au sens large. Intellectuelle, tout d’abord, car la théologie que nous voulons mettre en œuvre est bien une théologie qui entend travailler avec la raison, avec rigueur et méthode, sur le contenu de la foi et de ses propositions de sens, sur la pertinence de ses propositions et leur crédibilité dans le ou les mondes dans lesquels nous vivons. La formation proposée veut offrir une réflexion critique sur les grands axes de la pensée chrétienne : les sources et l’histoire de la tradition chrétienne (axe positif), la signification de la foi (axe systématique) et ses résonances et implications pratiques (axe pratique). A travers cette réflexion, la Faculté de théologie cherche constamment à développer une démarche réflexive et critique concernant la tradition chrétienne en lien avec les autres domaines du savoir et les autres religions. Le but que nous poursuivons est de développer auprès de nos étudiant(e)s leurs facultés d’analyse, de critique et de synthèse, autant d’éléments essentiels pour les différentes tâches et fonctions auxquelles ils et elles seront appelé(e)s. En d’autres termes, il s’agit bien de garantir et de promouvoir l’idée d’une recherche en théologie, universitaire et confessante (ou ecclésiale), au carrefour de l’université, de la société et de l’Eglise ; une recherche théologique qui peut montrer la crédibilité d’une parole croyante et sa pertinence à l’égard de ces trois secteurs.

Ce projet de mise en évidence de l’intelligibilité de la foi constitue le pouls de la théologie telle que nous la présentons ici à Louvain. Loin de se replier sur la pseudo-sécurité d’une communauté ecclésiale, loin de se diluer dans une pseudo-objectivité d’un discours prétendument scientifique, l’enseignement proposé présente une recherche théologique en lien avec les mondes dans lesquels cette foi vit et la reconnaissance d’une parole théologique qui s’élabore en dialogue constant avec la tradition culturelle qui la porte et lui donne de se penser. Un tel acte théologique présuppose donc fondamentalement que la foi chrétienne contient une rationalité interne qui se prête à un type de démarche dans lequel la foi peut éclairer la quête de sens qui habite tout être humain. Il s’agit en fait d’un double acte de foi caractéristique du chercheur en théologie que nous mettons en oeuvre : un acte de foi en l’homme et un acte de foi en Dieu, acte de foi en la capacité de la raison humaine de pénétrer un mystère qui, toujours plus profondément travaillé et éclairé, se révèle d’autant plus dans sa signification mystérieuse.

Le maintien d’une théologie de niveau universitaire, travaillant en dialogue et répondant aux critères académiques, s’offre aussi comme un lieu de réflexion critique nécessaire à la vie sociale et ecclésiale. Une telle théologie en lien constant avec son ou ses autres que représentent au sein de l’université les diverses disciplines mais aussi la société, octroie aux autorités religieuses et civiles un soutien dans leur vigilance face aux tendances sectaires, à l’« encapsulement » fondamentaliste, ou au jeu partisan toujours à même d’instrumentaliser la foi en fonction d’intérêts particuliers. Il va sans dire que ce rôle s’avère aujourd’hui primordial, quand on voit ce que l’actualité nous met tous les jours sous les yeux au nom de la religion. Je rappellerais ici que « dans le fondamentalisme religieux, ce n’est d’ailleurs pas la religion qui est importante : ce sont les normes qu’on lui fait porter et prescrire, et qui sont d’autant plus dures, d’autant plus répressives, que la menace extérieure est jugée grande. Devant cette menace, le fondamentaliste pense qu’il faut résister et que, pour résister, il faut réprimer toujours davantage. Je pense qu’une religion qui n’a pas peur, une religion qui n’est pas réactive, n’a pas besoin d’être répressive. Au contraire, elle peut aussi bien libérer les individus » (J.-M. FERRY, Les lumières de la religion. Entretien avec Élodie Maurot, Paris, Bayard, 2013, p. 32). Tel est un aspect du projet constitutif de la formation que nous offrons.

Cette aventure intellectuelle est aussi une odyssée humaine et spirituelle au sens large. Car cette formation ne laissera pas indemnes, elle opérera sans doute des changements ou des confirmations, des métamorphoses et des évolutions, qui vous conduiront à une maturation toujours plus grande et à un sens de l’humain lui aussi toujours plus grand. Vous ne serez pas seuls pour vivre ce parcours. Petite en taille, notre Faculté condense des étudiants de tout âge et venant d’horizons différents (un véritable microcosme), en même temps qu’elle présente un personnel académique, scientifique et administratif lui aussi au parcours varié et divers. Il ne faut donc pas avoir peur d’oser la rencontre et de profiter de cette richesse incroyable présente aussi dans l’ensemble de l’université.
En terminant par cette croisée des chemins, intellectuel et humain, je désirerais attirer l’attention sur le fait que les études n’ont pas leur but en soi, mais qu’elles sont au service d’une Parole faite chair, qui a résonné il y a plus de deux mille ans et qui a changé la face du monde. Cette Parole a apporté et apporte encore un message de libération et de salut, d’attention à l’autre, et spécialement au plus petit. Nos études seraient vaines si elles ne rendaient pas témoignage à ce Verbe fait chair et à son message libérateur. C’est pourquoi j’ose espérer que notre savoir nourrit notre agir, que notre savoir débouche sur une sagesse, celle d’être toujours plus humain. Comme l’écrit Saint Bernard : « L’intelligence pour saisir, la sagesse pour goûter ce que l’intelligence aura compris ». Et « A quoi bon la science sans l’amour ? Elle ne ferait qu’enfler. A quoi bon l’amour sans la science ? Il s’égarerait… ».
Éric Gaziaux
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