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19/3/2012
Entre le Congo et la Côte d'Ivoire, le coeur de soeur Aline balance
''J'ai roulé ma bosse un peu partout...'' lance dans un éclat de rire soeur Aline. Entre ses mains, trois fardes dans lesquelles des photos sont soigneusement disposées. Des photos qui résument bien toute une vie, sa vie. Elle a commencé à Fresnois-la-Montagne, près de Longwy en France avant de passer par Pondrôme, Léglise mais aussi le Congo et la Côte d'Ivoire. Depuis quelques années, soeur Aline a posé ses valises à Winenne. Religieuse de la Doctrine chrétienne de Nancy tout comme soeur Elisabeth avec qui elle vit, elle répond toujours ''présente'' lorsqu'il s'agit d'apporter son aide à la paroisse.
Vous vous sentez d'humeur morose? Une rencontre avec soeur Aline s'impose. A bientôt 90, elle sourit à la vie. Et pourtant, on ne peut pas dire qu'elle ait été épargnée par les épreuves. Elle avait 2 ans lorsque sa maman décède en couches. Marguerite - son prénom avant d'entrer en religion - se souvient bien des interrogations de son papa: qu'allait-il faire avec une si jeune enfant? Internat? La confier à de la famille? Finalement, il se remarie et Marguerite aura un frère. Les relations avec sa belle-mère ne sont guère heureuses. Soeur Aline désigne du doigt une photo d'elle gamine: elle pose, pour le photographe, entre son papa et sa belle-mère, le regard tellement triste. Ses plaisirs de l'époque, ''jouer'' à l'institutrice: ''J'alignais les pierres et tout ce qui me tombait sous la main. Pour moi, ces objets représentaient les enfants à qui j'enseignais.''

Marguerite devient soeur Aline
Et c'est tout naturellement que Marguerite s'est inscrite à l'école normale de Virton et tout aussi naturellement qu'elle s'est tournée vers la vie religieuse. ''Ça m'est venu comme ça, explique, un large sourire à l'appui, la pétillante octogénaire. Le Bon Dieu n'est pas venu, en jouant du tambour, me faire savoir qu'il voulait que je devienne religieuse.'' C'est vers les religieuses de la Doctrine chrétienne de Nancy qu'elle se tourne. Des religieuses qu'elle avait l'habitude de croiser dans son village et qui veillaient sur l'éducation des filles et des femmes des campagnes.
La guerre éclate pendant son postulat. A l'issue du noviciat, elle prend l'habit: ''Ce jour-là, papa a pleuré. Je ne le voyais pas mais je reconnaissais ses pleurs.'' Marguerite devient soeur Aline, elle a choisi de porter pour le restant de sa vie le prénom de sa maman.

L'avion, le bateau... une vraie aventure
Pondrôme, Longchamps, Signeulx, Léglise... autant de localités dans lesquelles elle enseignera (la photo): pour le plus grand plaisir des bambins de qui elle s'occupe.
Soeur Aline a la bougeotte même si elle n'a pas une idée précise de ce que à quoi ressemble le monde. Elle se porte volontaire pour partir au Maroc: refus. Sa congrégation lui proposera par la suite de s'envoler pour le Congo. ''Dans ma tête, je savais que j'étais faite pour les missions: il faut que je bouge, que je voyage! Lorsque j'ai annoncé mon départ à mon père, j'ai vu des larmes dans ses yeux. A cette époque-là, on partait cinq ans sans revenir.''
Avion, bateau... pas de quoi impressionner la jeune religieuse. Très rapidement, elle apprend le swahili et demande à ses élèves de corriger ses erreurs. Et ça fonctionne. Pendant des années, elle donne cours mais aussi veille sur les internes... Elle découvre la région en partant acheter les bananes qui serviront à nourrir les enfants. Des années heureuses dont elle conserve des souvenirs intacts.
Et puis tout bascule. Au fil des mois, la tension devient palpable et les enfants mettent en garde les religieuses: elles doivent partir. Nous sommes en 1964 et l'indépendance se prépare. Le 14 novembre 1964, sept religieuses de la Doctrine chrétienne qui vivent à Ponthierville sont emmenées à Stanleyville où elles seront tuées. Soeur Aline est elle rentrée en Belgique et c'est là qu'elle apprend la terrible nouvelle. Elle ne repartira pas: ''Trois fois, j'avais mon billet pour le Congo et trois fois l'avion a été annulé. C'était un signe, je n'y suis jamais retournée.''

Les femmes de Côte d'Ivoire
En 1967, elle retrouve - enfin - sa chère Afrique: elle passera près de 20 ans en Côte d'Ivoire. Cette fois, il ne s'agit plus de s'occuper des enfants mais bien des femmes en leur apprenant la couture, par exemple. Les yeux de soeur Aline brillent lorsqu'elle évoque cette époque: ''Ces femmes étaient très motivées. Elles en voulaient vraiment!'' Avec elles, la religieuse passe des heures à coudre, à raccommoder... C'est lors de son séjour en Côte d'Ivoire que soeur Aline découvre les joies mais aussi les côtés périlleux des voyages en pirogue. Elle lance les bras au ciel: ''On a chaviré bien des fois! Il faisait tellement chaud que nos vêtements séchaient très vite ou alors on les changeaient pour des pagnes!''

''Je ne suis pas infirmière''
Soeur Aline, on l'aura compris n'est pas du style à se laisser impressionner. De retour à Libramont, elle est pourtant inquiète lorsqu'on lui propose de travailler pour l'unité de soins palliatifs de l'hôpital voisin. Sa réponse: ''Je ne suis pas infirmière.'' Après une formation, soeur Aline s'est ''lancée''. Un travail lourd qui ne peut s'effectuer sans une équipe solide. Soeur Aline restera en place 9 années. Neuf années au cours desquelles, elle est au chevet des personnes en fin de vie, de la famille... Ses yeux si rieurs s'assombrissent lorsqu'elle raconte ces années.
Après cette ''parenthèse'', l'appel du large, l'envie de découvrir de nouveaux horizons est le plus fort. Soeur Aline fait sa valise et retourne en Côte d'Ivoire où c'est la désillusion: elle ne retrouve plus l'Afrique qu'elle a connu. Les mentalités ont changé. ''Ce n'était plus pareil.'' La religieuse remplira sa mission avant de rentrer définitivement en Belgique.
Depuis 2000, elle met sa bonne humeur et son savoir-faire au service de la communauté de Winenne. Soeur Elisabeth, sa consoeur ayant de multiples activités, soeur Aline a pris en main l'intendance (la photo). Une aide précieuse. A Winenne, on sait aussi que soeur Aline est toujours là pour écouter, rassurer... Et chacun repart avec sa dose de bonne humeur.
Christine Bolinne
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