Jeunes Vie du Diocèse Formations Agenda

 Retour à la liste
11/3/2021
Carême : quand les chefs-d’œuvre de nos églises étaient dissimulés
L’église Saint-Lambert de Bouvignes-sur-Meuse (Dinant) abrite un grand retable considéré comme un chef-d’œuvre de la sculpture du XVIe siècle. Aujourd’hui privé de ses volets, le retable offre à la contemplation du spectateur des scènes sculptées en relief, richement ornées. Cela conduit à oublier le dispositif tel qu’il était conçu à l’origine : les volets permettaient de refermer le retable. En fonction du calendrier liturgique, notamment pendant le Carême, les scènes sculptées étaient dissimulées ; elles n’étaient révélées qu’en certaines occasions. En ce temps de Carême, revenons sur le sens de cette pratique.
Classé comme « trésor » de la Fédération Wallonie-Bruxelles, le retable de Bouvignes illustre six scènes de la Passion, avec la Crucifixion au centre. Les différentes scènes prennent place dans un décor architecturé richement orné, dans une profusion de dorure. Ce retable dit « de la Vraie Croix » abrite une relique du bois de la Croix, sertie dans la scène de la Crucifixion, au pied du Christ. Le retable était pourvu de volets, perdus depuis le XVIIIe siècle, qui pouvaient dissimuler le décor sculpté. Lors de certaines solennités, les volets étaient ouverts et dévoilaient les scènes ; le dévoilement du décor doré, rarement visible, renforçait l’aura du retable et la sacralité de la relique de la Vraie Croix.
D’autres trésors médiévaux de nos églises, aujourd’hui figés dans des vitrines de musées, fonctionnaient de la même façon. C’est le cas du triptyque-reliquaire de la Vraie Croix conservé aujourd’hui au Musée d’Art et d’Histoire de Bruxelles, provenant de l’ancienne abbaye de Floreffe, ou du triptyque-reliquaire de la Vraie Croix appartenant à l’église Sainte-Croix de Liège, conservé au Grand Curtius (également classé « trésor » de la Fédération Wallonie-Bruxelles). Ces précieux reliquaires, datés des XIIe et XIIIe siècles, sont composés d’un panneau central pourvu de deux volets. Aujourd’hui, ils sont présentés au public en position ouverte. En réalité, ils étaient conçus pour être mobiles : les volets étaient d’habitude fermés et n’étaient ouverts qu’en certaines occasions, notamment lors de la Semaine Sainte et des fêtes liées à la relique de la Vraie Croix.

Ouvertures et fermetures
Pendant le Carême, ces reliquaires, tout comme le retable de Bouvignes, étaient donc fermés. Les volets étaient ouverts solennellement le Vendredi Saint, dévoilant alors à l’adoration des fidèles la relique de la Croix mise en valeur par des décors rutilants. L’ouverture/fermeture des retables et des reliquaires est liée à une tradition liturgique et artistique ancienne : la dissimulation de la présence divine, pendant le Carême, par divers dispositifs. Ceux-ci matérialisaient un temps de pénitence visuelle. Des sources médiévales comme les ordinaires ou les coutumiers demandent ainsi de recouvrir les reliquaires et les croix se trouvant sur l’autel à partir du mercredi des Cendres. Pendant le Carême, divers voiles pouvaient donc cacher les croix, les images et les autels. Une grande toile en lin, peinte sobrement, pouvait aussi être déployée pour masquer le chœur ; c’est le voile de carême, le velum quadragesimale. Cette tradition attestée depuis le XIe siècle, notamment en France, en Angleterre, en Italie et dans les régions germaniques, a perduré jusqu’à l’époque moderne dans certaines régions. Le Vendredi Saint, lors de la lecture de l’Evangile de la mort du Christ, les voiles étaient retirés.
Le voile évoque celui du temple, décrit dans l’Exode, qui marque la séparation entre le sanctuaire et le Saint des Saints, qui contient l’Arche d’Alliance, préfiguration du Christ. Le voile du temple est aboli par le Christ le jour de sa mort. La Nouvelle Alliance se réalise en effet avec la mort et le sacrifice du Christ : « Frères, c’est avec assurance que nous pouvons entrer dans le véritable sanctuaire grâce au sang de Jésus : nous avons là un chemin nouveau et vivant qu’il a inauguré en franchissant le rideau du Sanctuaire ; or, ce rideau est sa chair. » (He 10, 19-20). Le voile est aussi la commémoration de la mort du Christ : « Et voilà que le voile du temple se déchira en deux, du haut en bas, la terre trembla, les rochers se fendirent (…) » (Mt 27). Le Vendredi Saint, le dévoilement du chœur, des autels et des croix, tout comme l’ouverture du retable de Bouvignes ou des reliquaires de la Vraie Croix, révélaient donc solennellement la Croix, symbole de la Nouvelle Alliance et promesse du Salut.

Service du Patrimoine - Hélène Cambier

Translate in English - Nederlands - Deutsch


 Les évêques
 Les prêtres
 Les diacres
 Les laïcs
 La vie consacrée
 Communautés nouvelles et mouvements nouveaux
 L’administration diocésaine
 La Justice ecclésiastique
 Carte du diocèse