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4/4/2022
Accueil des familles ukrainiennes à Couvin : la commune travaille avec la paroisse
Joëlle Fontaine, paroissienne à Couvin, nous partage son expérience, son vécu de ces dernières semaines à Couvin. La salle paroissiale a accueilli de nombreux dons. Les premières familles ukrainiennes sont aussi arrivées dans l’entité. S’ensuit plein d’autres idées et initiatives. Elle nous livre son témoignage ici.
Lorsque le conflit en Ukraine a commencé, nous avons prié pour les Ukrainiens à l’église. Je voyais bien que mon doyen, l’abbé Janusz Kruch, était très préoccupé et peiné par la situation. C’est alors que je lui ai demandé s’il voulait qu’on fasse plus que prier, si on pouvait aussi agir ? Immédiatement, tous les paroissiens ont réagi à notre appel. L’engouement autour de l’église était tel que la commune nous a contacté pour travailler ensemble, main dans la main. Lors des réunions avec la commune, nous avons le même droit de parole que les autres acteurs du terrain comme le CPAS ou la Croix-Rouge par exemple. C’est très chouette que la paroisse soit incluse à ces échanges. Nous travaillons en étroite collaboration avec la Croix-Rouge d’ici ; la Vestiboutique de la paroisse accueille tous les dons qui doivent partir pour l’Ukraine alors que la Croix-Rouge, elle, accueille les dons qui seront utiles ici, chez nous. Le bouche-à-oreille a fait beaucoup, nous avons très vite reçu énormément de dons. Les « Marcheurs » de la ville ont aussi organisé une Marche pour la Paix (5km) ; les participants pouvaient d’abord venir déposer les dons dans la salle paroissiale avant d’aller suivre le parcours.

Le 2 mars dernier, 4 camionnettes sont parties de Couvin. Ce sont les moines de l’abbaye de Chimay qui nous ont aidé pour le transport (frais de location des véhicules et frais d’essence).
Les enfants du catéchisme ont fait beaucoup de dessins pour accompagner les dons qui partaient vers l’Ukraine ; ils les soutiennent à leur manière, c’est beau. Maintenant, nous continuons à récolter des dons deux jours par semaine à la salle paroissiale de Couvin. Depuis la semaine dernière, nous devons non seulement continuer à envoyer de l’aide matérielle vers la frontière ukrainienne, mais aussi être disponibles pour l’accueil des réfugiés qui arrivent ici chez nous. Une vingtaine de familles de Couvin se sont proposées pour héberger des réfugiés. Nous analysons les dossiers pour trouver les concordances avec les familles qui arrivent de Bruxelles, pour décider qui va loger où. Les Filles de Marie à Pesche nous aident aussi. Nous sommes au service et à l’écoute des réfugiés ukrainiens, mais aussi des familles accueillantes.
Ce n’est pas toujours évident : nous voyons la détresse, la tristesse ; ils ont dû tout abandonner. Une famille qui est arrivée ici est russe, et non ukrainienne ; eux aussi avaient fui, avaient peur. Les familles arrivent au compte-goutte depuis Bruxelles, mais ils n’ont pas toujours eu beaucoup d’explications sur les trains, les bus… Ainsi, une famille est arrivée ici en bus depuis Florennes, on ne sait toujours pas comment. Quand on a demandé à une application de traduire les dires de la dame, l’application a traduit « le bus est devenu souris » : nous avons rigolé, la technologie n’est pas toujours fiable...
Nous faisons la connaissance des familles réfugiées. Ils sont épuisés, à bout. On sent le désarroi et l’anxiété face aux difficultés. Les situations ne sont pas toujours faciles : certains cherchent à changer leur argent, mais les banques n’acceptent pas car ils ne sont pas clients. Une dame a été séparé de ses deux enfants (15 ans et 17 ans) dans un train en Allemagne, car il n’y avait plus de place pour elle dans le wagon. Ses enfants seraient maintenant en Irlande. Une autre dame a un peu paniqué en voyant un homme venir la chercher, elle et ses deux enfants, pour aller les loger chez lui : nous avons dû la convaincre qu’elle ne craignait rien ; il est marié et son épouse sera là à la maison. Nous pouvons avoir ‘peur’ des personnes qui viennent habiter chez nous, mais les réfugiés peuvent eux aussi avoir des craintes, des doutes. Une autre madame était très inquiète ; elle venait d’apprendre qu’il y avait eu un bombardement dans la zone où son mari combattait. De plus, on lui a conseillé de ne pas l’appeler, car les Russes pourraient alors détecter les cachettes. Une dame était complètement médusée, perdue ; elle pleurait beaucoup pendant la messe. Nous lui avons alors proposé un café après la célébration, pour la réconforter, l’écouter. Une autre réfugiée est sur le point d’accoucher ; il a fallu trouver tout le nécessaire pour accueillir ce petit bébé comme il se doit. Heureusement, notre doyen parle le polonais, c’est très pratique. Il nous aide beaucoup ; il va à la rencontre des réfugiés dans toutes les familles. Il a même donné un peu de sa vaisselle personnelle pour combler un manque.
Ce travail de bénévolat est très prenant, très émotionnel aussi. Cela influence notre vie, notre manière de voir les choses. C’est marquant de rencontrer ces personnes perdues, en détresse. Nous sommes contents de le faire, notre vie est changée à jamais. Maintenant nous mettons aussi sur pied une petite « épicerie » où les réfugiés pourraient venir chercher du matériel et de la nourriture, gratuitement. Là aussi, il y aura un gros travail de coordination à faire : on me propose déjà un don de 3000 œufs de poule. C’est très beau de voir toute la paroisse, toute la commune, se mobiliser pour aider, pour réconforter les Ukrainiens qui arrivent à Couvin.

Propos recueillis par VJ
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