De longues tables en bois, des bancs, de larges baies vitrées qui donnent sur les prairies et là, plus loin, les arbres qui commencent à prendre leurs jolies couleurs automnales. Un feu de bois crépite. Frère Bert et sœur Ieva Marie prennent quelques minutes pour se raconter. Après, ce sera la messe, le repas, un moment de prière... La vie de ces hommes et ces femmes qui ont rejoint cette communauté nouvelle créée par frère Marc. Ils sont aujourd'hui une vingtaine de frères et une dizaine de sœurs à vivre leur foi et à tenter de la faire partager à d'autres dans la plus grande simplicité.
C'est dans son pays natal, la Lituanie, que Sœur Ieva Marie a découvert la fraternité de Tibériade. Quatre frères y étaient installés, ils sont actuellement sept. La jeune femme a été séduite par cette manière de vivre la foi, par cette volonté d'aller à la rencontre des autres. Une fraternité qui n'est pas mixte. Celle qui allait devenir Sœur Ieva Marie n'avait qu'une solution: rejoindre la Belgique et Pondrôme où les femmes de la fraternité vivent, ensemble, leur vie de foi. Elles rejoignent, très régulièrement, Lavaux-Sainte-Anne pour vivre des célébrations, des moments de convivialité, d'évangélisation...
Frère Bert se souvient très bien de sa rencontre avec la fraternité. Il a côtoyé, dans son diocèse, deux frères de Tibériade qui, avec leur âne, allaient à la rencontre de jeunes. ''Un des deux a expliqué qu'il allait prononcer ses vœux définitifs et il nous a invités à y participer. J'y suis allé et j'ai vu la joie qu'il pouvait y avoir de se consacrer à Dieu.'' Et de poursuivre: ''A 12 ans, je pensais me donner à Dieu en devenant prêtre. Alors que j'avais 20-21 ans, je me suis reposé la question. Et c'est devenu plus concret, j'ai dit ''oui'' à l'appel mais comme frère.'' Sœur Ieva Marie, d'une voix tout aussi paisible, raconte sa vie dans une famille catholique... par tradition, comme elle dit. ''La vie de foi n'existait pas'' relève-t-elle. ''Je l'ai découverte à Taizé avec tous ceux et celles qui y étaient eux aussi en recherche. Et là, j'ai senti l'amour de Dieu. Pour y répondre, je devais lui donner ma vie. J'ai entamé un travail de discernement: 'est-ce que c'est bien ça que tu veux pour moi? Et ici, c'est-à-dire dans la fraternité de Tibériade)?'''

La joie d'accueillir
A quelques minutes de la messe, les premiers fidèles parcourent, à pied, la centaine de mètres qui sépare le parking des premiers bâtiments, dont la chapelle, construits en pierres et en bois. Le silence est une priorité. Chacun se salue. Frère Bert: ''Quelque chose me dépasse complètement. Je sens que ma maison est ici. Que ma vie est dans la prière, dans le travail manuel que ce soit au jardin, à la ferme ou encore à couper du bois pour nous chauffer ou dans les tâches ménagères. Le tout est effectué dans la simplicité.''
Et de poursuivre: ''Nous avons la joie d'accueillir des familles, des jeunes, des enfants... pour témoigner du Christ.'' Fraternité qui organise des camps - itinérants ou pas - pour les jeunes. Mais aussi des retraites. Des jeunes très étonnés de la vie de ces religieux et de ces religieuses, parfois, à peine plus âgés qu'eux et pourtant à des années lumière de leur quotidien. Surtout quand le frère et la sœur, toujours avec le sourire, mais avec fermeté annoncent que durant la retraite, le smartphone restera au fond des bagages. ''Trois jours sans portable, c'est possible. Ok la vie est différente mais elle est heureuse. '' annonce, tout sourire, Sœur Ieva Marie. ''C'est épuisant mais quelle grande joie'' renchérit frère Bert.
Soeur Ieva Marie poursuit: ''Quand on tombe amoureux, on ne sait pas expliquer ce qui nous attire chez l'autre. Je peux juste dire qu'ici, je suis touchée par la simplicité de la vie matérielle, simplicité encore dans les relations, les rencontres. C'est encore tout aussi simplement que nous parlons de Dieu et nos animaux - ânes, colombes, poules- sont un bon moyen.'' Des animaux qu'ils emmènent dans les écoles, par exemple, lorsqu'ils vont témoigner. Témoignage de vie qui se termine par un moment de prière. ''Notre mission est très belle. Nous rejoignons des jeunes qui ne connaissent rien à la foi. Nous pouvons aussi les bousculer dans les idées qu'ils ont de l'Eglise.''

''Je m'engage avec le Seigneur''
Les deux trentenaires ne s'en cachent pas: la vie en communauté peut, aussi, comporter des moments de tension, des épreuves. ''C'est normal'' répondent-ils en chœur. Pour tous et dans toutes les circonstances heureuses et moins heureuses, la prière est le pilier central de la vie en général et de leur vie en particulier. ''C'est chaque jour qu'il faut reprendre, souligne Frère Bert, la décision de se donner à Dieu.'' Et cela commence, dès 5h45, moment du réveil. Un frère vient frapper à chaque porte et lance: ''Bonjour, ma joie, le Christ est ressuscité.'' Et le frère de répondre: ''Il est vraiment ressuscité. Alléluia.'' Oraison, laudes, lecture de la Bible, étude des textes se déroulent au fil de la journée. Même rituel chez les sœurs sauf que le réveil se fait à 6h20.
Frère Bert et Sœur Ieva Marie se sont préparés à ces vœux solennels dans la confiance et la sérénité. Sœur Ieva Marie: ''Je m'engage avec le Seigneur mais je ne suis pas seule.'' Frère Bert: ''Nous faisons un saut dans la confiance. Nous sommes entre les mains de Dieu, on compte sur sa grâce.''
Bert, Ieva Marie et tous les autres sont rayonnants, dynamiques... Ils respirent la joie de vivre. Y aurait-il un secret? ''Je ne sais pas, demandez au Seigneur'' souligne la jeune religieuse avec un large sourire. Une communauté nouvelle qui séduit. Le jour de la sainte Thérèse, une de saintes patronnes de la communauté, Marie et Côme débutaient leur postulat. ''Le Seigneur sait de quoi il a besoin.''
Christine Bolinne