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30/3/2020
Marches menacées, le chanoine Masson: '' C’est l’âme même de notre région qui est blessée''
Le chanoine Philippe Masson est curé-doyen principal de Philippeville-Florennes. Marcheur depuis toujours - ou presque - il est comme tous ceux qui vivent, qui marchent dans l'Entre-Sambre-et-Meuse dépité. Par la situation que notre pays traverse mais aussi par ces marches qui n'auront pas lieu, par ces processions comme dit le chanoine dédiées à un saint supprimées. La plume du chanoine Masson est moins légère que de coutume. Alors pour nous faire sourire - on en a bien besoin - il nous livre aussi une homélie de 2019 où il faisait la démonstration que les marches mériteraient le label écoresponsable!
Nous sommes le vendredi 27 mars, le confinement est prolongé pour 15 jours. Cette nouvelle échéance rendra impossible les premières Marches folkloriques en Entre-Sambre-et-Meuse. Le téléphone n’arrête pas de retentir avec la même interrogation: qu’est-ce qu’on fait? On n’aura pas assez de temps pour se préparer?… Déjà la toute jeune Marche de Chaumont est annulée. Ce devait être la première sortie de la procession dédiée à Notre Dame de Lourdes. Depuis deux ans, le corps d’office prépare l’évènement. Le bébé se présentait pourtant bien et voilà que l’accouchement est reporté. Je devais bénir le nouveau drapeau le samedi 5 avril, il n’en sera rien. On voit mal tous les Marcheurs boire au même verre en ce temps de pandémie. A l’heure actuelle, d’autres corps d’office se rassemblent et envisagent la suppression de nos pèlerinages. Il faut vivre en Entre-Sambre-et-Meuse pour mesurer le voile de deuil qui tombe sur nos communautés villageoises. Certains diront: ''il y a pire que ça'', ''vous n’êtes pas à plaindre'' et c’est vrai, je le mesure; mais il y a quand même ça. C’est l’âme même de notre région qui est blessée et le clergé ne doit pas y être indifférent. Nous sentirons certainement moins la brebis, certains s’en réjouiront, moi je pleure cette occasion manquée de vivre avec le troupeau un moment d’exceptionnel communion.
Jésus, qui continuellement veut ouvrir devant nous un avenir, nous invite à l’espérance. C’est dans cet esprit que je vous livre mon homélie 2019 des huit Marches que j’ai célébrées. En faisant le compte, je me demande comment j’ai pu tenir le coup (mais aussi le coût!) face à tant de belles et généreuses cantinières.

Frères et sœurs,
Cette année est marquée par la prise de conscience de ce que notre planète est en danger. Tous les discours politiques nous parlent d’écologie plus ou moins sociale. Les étudiants sont descendus tous les jeudis dans les rues. Nous sommes très conscientisés aux dangers des gaz à effets de serre qui engendrent le réchauffement climatique ou aux déchets plastiques qui encombrent l’estomac des cétacés… Il nous faut être écoresponsables.
Et donc, je me suis demandé quelle est l’empreinte écologique de nos Marches de l’Entre-Sambre-et-Meuse par rapport à d’autres expressions de notre folklore et cela avec un grand respect pour chacun. Toutes nos expressions folkloriques sont riches de la diversité de notre terroir.
Ce que nous voyons, en premier lieu dans nos marches, ce sont les costumes. Ils sont durables et recyclés à chaque sortie. Nous connaissons des carnavals composés de multicolores déguisements, masques et accessoires qui prennent, les festivités terminées, le chemin de la poubelle. Car il n’est pas acceptable d’utiliser deux fois le même déguisement et en fin de compte, ils ne sont pas faits pour durer. Rien de tout cela dans notre folklore; les costumes, une fois nettoyés, sont réemployés. Bien entendu, certaines écoles de samba au Brésil sont encore plus écologiques, vu le peu de tissu utilisé.
Ce que nous entendons dans nos Marches et qui nous fait tressaillir, ce sont les batteries et les harmonies ou fanfares. Là encore, empreinte écologique nulle par rapport à certaines manifestations qui utilisent des chars, porteurs de diffusions électroniques qui déversent leurs décibels; cela nécessite un approvisionnement électrique qui a un coût écologique. Lors de nos processions, de temps en temps, il y a bien un musicien qui laisse échapper un son par un orifice autre que la bouche; mais fondamentalement, l’empreinte écologique est limitée, rien à voir avec les flatulences bovines.
Une compagnie de nos Marches se déplace à pied contrairement à certains défilés, comme la gay pride ou la Zinneke parade qui utilisent des chars tractés par des moteurs diesel particulièrement polluants. Le carburant utilisé par nos marcheurs est du biocarburant fabriqué à partir de grains, d’orge et de houblon ou de raisins; rien que du naturel.
Bien sûr, me diront les sceptiques que j’enverrais volontiers à la fosse, il y a les décharges. C’est vrai. Un officier d’un beau peloton me disait être allé chercher 24 kilos de poudre pour trois jours de festivités. Savez-vous que la fête nationale du 14 juillet à Paris nécessite en moyenne tous les ans, pour 35 minutes de représentation, 3 tonnes d’engins explosifs? Quand on prend conscience de cela, on peut relativiser l’empreinte laissée par quelques kilos de poudre.
Il y a également pour certaines Marches la retraite aux flambeaux, mais honnêtement, rien de comparable avec les grands feux!
Je pense, mes frères et mes sœurs, qu’après avoir reçu la reconnaissance de l’UNESCO, nos Marches de l’Entre-Sambre-et-Meuse devraient recevoir le label écoresponsable.
Mais pour moi la véritable empreinte laissée par nos Marches c’est la fraternité et la solidarité qui s’y vit. Et cela est tout aussi vital que le respect de l’écologie. À quoi bon une planète verte si l’homme n’y vit pas des relations fraternelles qui l’épanouissent. Et s’il est un lieu où l’amitié se vit, ce sont bien nos Marches.
À toutes et tous, je souhaite une bonne Marche dans le respect de chacun particulièrement du plus faible.
Chanoine Philippe Masson
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